Réalisateur : Léos Carax
Scénariste : Ron Mahel, Russel Mahel
Actrices et acteurs principaux : Marion Cotillard, Adam Driver, Simon Helberg
Mon jeu préféré : Time’s Up
Date de sortie : 7 juillet 2021
Où le voir : Arte/Canal VOD
Synopsis officiel : Los Angeles, de nos jours. Henry est un comédien de stand-up à l’humour féroce. Ann, une cantatrice de renommée internationale. Ensemble, sous le feu des projecteurs, ils forment un couple épanoui et glamour. La naissance de leur enfant, Annette, une fillette mystérieuse au destin exceptionnel, va bouleverser leur vie.

Annette : ne sommes-nous donc que des guignols ?

Un drame musical sans fausse note

Mais quel étonnement après avoir vu ce film ! J’appréhendais le visionnage de Annette, mais tu sais ce que c’est, tu en entends du bien et tu te dis « et si … ». Je l’avais lancé une fois il y a quelques semaines. Impossible de poursuivre au-delà des premières minutes. En même temps, je déteste les films musicaux, donc rien d’étonnant. (Quand j’ai regardé La La Land, j’ai immédiatement su qu’il n’y aurait jamais de seconde fois, ce malgré les performances des deux acteurs et les prix remportés par ce film). Et puis je m’y suis replongée, avec un état d’esprit sans doute plus faste et ouvert.

Je me suis surprise à apprécier ce film (aimer serait quand même fort). Il n’y a quasiment pas de dialogue dans Annette. Chant et musique sont constamment présents et semblent m’avoir bercée tant ils apparaissent comme une évidence en termes de mise en forme préalable à cette histoire. J’ai ressenti ça comme une espèce de nouvelle forme de dialogue par la parole chantée, un peu comme on le ferait avec un slam sur du rap.

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Ma mère est une mère comme les autres - ©UGC distribution

It’s alive !

J’adorais le Muppet Show quand j’étais (très) petite. Kermit était mon héros, je chérissais le chef suédois qui cuisinait à peu près tout et n’importe quoi et attendait avec plaisir la grande baffe donnée par Peggy à Gonzo ou Fozzie. Et puis j’ai connu Pinocchio. Un drame innommable pour moi. Pinocchio c’est l’histoire d’un bout de bois qui prend vie et devient un petit garçon. C’est juste FLIP-PANT. Et puis ce nez qui pousse, ce pantin désarticulé qui semble pouvoir exploser à tout moment et déborder de ton petit écran pour venir t’attaquer. Pinocchio m’a traumatisée. Je ne sais pas si c’était cette « fausse » vie manipulable presque à souhait ou concevoir qu’un bout de bois puisse parler alors qu’il n’a pas de cordes vocales, mais je ne m’en suis pas remise.

Hé bien figure-toi que dans Annette, il est aussi question de scènes avec des marionnettes. Adam Driver est le méchant Sacripant doté d’un gourdin, qui ne pense qu’à lui et sa gloire. En phase avec son époque, comment imaginer une seconde qu’il perde l’estime de ses fans et que ces derniers se mettent à le détester ? Lorsqu’il rencontre Marion Cotillard – qui joue le gentil Guignol – on imagine mal que ces deux-là puissent s’aimer. Et pourtant, comme l’a toujours dit Madame Soleil, les contraires semblent s’attirer. Henry McHenry et Ann Desfranoux finissent donc par se marier et être encore plus heureux. De leur union naît Annette.

Phobique des marionnettes, tu imagines ma tête lorsque vient au monde leur fille, ce machin fait sans effets spéciaux et manipulable à souhait par le biais de baguettes et de ficelles. C’est pourtant également à ce moment qu’il faut se laisser porter et voir au-delà des apparences. Non, Annette n’est pas une simple marionnette, Annette est un vrai bébé. J’en veux pour preuve sa petite taille, sa vraie grande laideur et sa naïveté infantile. Et puis elle n’a rien compris. Dans un monde merveilleux où tout le monde chante, elle reste muette comme une carpe la pauvre ! En plus, elle n’a pas l’air bien dégourdie. C’est donc une vraie enfant. Ouf me voilà rassurée !

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Mon père m'encourageant avant mon entrée en scène - ©UGC distribution

Une tragédie navale

D’ailleurs, quand on y pense, il n’y a rien d’extraordinaire dans ce film. Annette, finalement, ce n’est rien d’autre qu’une histoire d’amour qui commence sur les chapeaux de roue, mais finit par se déliter. McHenry/Sacripant se voit accusé de harcèlement par plusieurs femmes et Desfranoux/Guignol ne veut pas voir le vilain gourdin qui s’apprête à la surprendre et l’estourbir définitivement. Pour tenter de se rabibocher, ils décident de partir en croisière.

Personnellement, je n’aime pas trop les gars complètement éméchés qui jouent à saute-mouton sur le pont d’un bateau en proie aux vagues de 15 mètres de haut, ça fait désordre. Aussi, c’est presque sans surprise que le drame surgit au cœur de la tempête et que Ann perd la vie, laissant seuls Henry et bébé Annette.

Dès lors, comment ne pas être tenté d’exploiter honteusement et sans vergogne sa petite fille et vivre ainsi par procuration la gloire que l’on a soi-même perdue ? Henry McHenry n’hésite pas une seconde. Car Annette, depuis la mort de sa mère, a hérité un don. Le don de chanter et captiver les foules.

Avec un père toxique et malfaisant, et une mère qui revient uniquement sous les traits d’un fantôme rancunier, je trouve que Annette n’était pas très bien partie dans la vie. C’est pour cette raison d’ailleurs que je ne comprenais absolument pas pourquoi on la faisait toujours passer pour une marionnette à ce stade de l’histoire. Des enfants misérables, il en existe beaucoup. Ils restent bel et bien des humains. Ils démarrent mal dans la vie et ne sont tout simplement pas aidés pour la suite.

La morale de l’histoire (un peu de douceur dans ce monde de brutes)

Je remercie donc Leos Carax et cette fin heureuse. J’ai lu que beaucoup de gens la trouvaient triste. Pas moi. Elle est juste et reste possible.

Enfin une enfant fait régner la justice et dit « stop » à ce que l’on a voulu faire d’elle. Enfin une enfant qui sait nous faire comprendre que même « fille de », nous ne sommes pas obligés d’aimer nos parents.

Tu trouves Marion Cotillard gnangnan et Adam Driver vraiment trop mauvais acteur, surtout depuis le réveil de la force ? Alors rassure-toi, dans Annette, aucun des deux ne se relève.

Dans un monde où règne l’injustice et les violences sur les enfants, Annette prend sa revanche elle-même sur son ascendance et sa destinée. Elle s’affranchit de la marionnette qu’elle était, coupe les ficelles qui la ligotaient à une vie qui n’était pas sienne pour enfin choisir sa propre voie. C’est peut-être pour cela qu’Annette m’aura finalement réconciliée avec les marionnettes. Bien que nous leur ressemblons, nous ne saurions être manipulables à souhait et ne saurions assouvir les envies de gloire de nos pairs.

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