Réalisateur : Alex Proyas
Scénariste : David J. Schow, John Shirley
Actrices et acteurs principaux : Brandon Lee, Michael Wincott
Ma saison de collection préférée : Printemps/Automne
Date de sortie : 1994
Où le voir : Orange
Synopsis officiel : La veille de leur mariage, Eric Draven et Shelly Webster sont sauvagement assassinés. Un an plus tard, un corbeau ramène Eric à la vie au cœur d’une ville plongée dans les ténèbres. Eric va se laisser conduire là où sa vengeance l’appelle. Pour que justice soit faite et pour l’amour de Shelly.

C’est parce que j’avais vraiment envie de découvrir un Batman plus « sombre » (d’après moi, on ne doit jamais avoir peur d’être trop sombre quand on est Batman) que je suis allée le voir en salle la semaine dernière. Autant j’ai été ravie de ma séance, autant en sortant je me suis exclamée en me claquant la paume de la main sur le front « bon sang, mais c’est bien sûr ! ».  J’ai ruminé et mâchouillé ce Batman pour en arriver à la conclusion suivante : The Crow c’était quand même super bien !

Tu dis que tu ne vois pas le rapport, et pourtant…

Que réalise-t-on lorsqu’on visionne The Batman – 2022 ? C’est que The Crow contient déjà des éléments batmaniens, précisément :

– Zoomorphisme

– Trauma familial

– « Eveil » de la conscience humaine.

Ce sont ces mêmes éléments qui font de The Crow un film intéressant, prenant et qui suscite en nous des interrogations quant à notre propre fonctionnement en tant qu’être humain face à une injustice décidément trop personnelle pour qu’on en reste là. Mais si visionner Batman reste pour toi impossible, car tu es allergique à Robert Pattinson et aux chauves-souris (ou les deux), alors tu peux toujours mater The Crow et réaliser aussi à quel point le film était déjà en avance sur son temps concernant d’autres faits.

Comment voir The Batman m'a fait rappelé à quel point The Crow est un film génial !
"C'est la mouise. Mais que fait Batman ?" ©Dimension Films

** Follower on fire **

The Crow, c’est ainsi déjà le futur quant aux aspects moroses de notre société. C’est en ça qu’il détonne dans son genre et son temps. La drogue, les armes et les explosifs y tiennent une place importante. Mieux d’ailleurs, ils sont la norme de ce monde gothique et ténébreux, des éléments associés à la jungle locale. Ça te rappelle déjà le monde où l’on vit, pas vrai ?

Plus fort, The Crow parle aussi des influenceurs. Comme dans ta vraie vie virtuelle et celles de millions de gens, le boss est un gars adulé par sa meute de followers. Et il a tout compris. Quelques années auparavant, c’est lui qui a lancé la mode des incendies nocturnes, donnant ainsi naissance aux lumineuses « nuits du Diable ». Rattrapé par son succès flambant vieux, c’est à une réunion extraordinaire des bandits et assassins locaux qu’il admet être lui-même dépassé par sa trouvaille initialement géniale. C’est peut-être pour ça que Draven décide d’agir à ce moment précis en faisant une entrée remarquée et en envoyant valdinguer toute la filiale « combustion », principalement par dessous la table.

Mais au fait, c’est qui ce Draven ?

** Mode « Rape and revenge » enclenché **

Eric Draven, c’est le héros de l’histoire. A moins que ce ne soit plutôt un anti – héros d’ailleurs, tant il n’a pas tout pour plaire : une maigreur digne d’un cadavre en décomposition stade 3, un humour douteux et un corbeau croassant à tout va, (décidément très agaçant), qui l’accompagne dans tous ses déplacements ? En résumé, The Crow c’est tout de même l’histoire d’un gars sympa, Eric Draven, qui vit dans un monde de brutes. La preuve, un soir de malchance sa petite amie se fait violer à plusieurs reprises puis tuer par une bande de jeunes du coin. Draven, lui, arrive comme un cheveu sur la soupe à la soirée. Bref, il ne survit pas non plus et nos deux tourtereaux se retrouvent enterrés l’un à côté de l’autre.

Fin ? Non. Car c’est là qu’intervient l’élément improbable et qu’on n’attend pas : Craven sort proprement de la motte de terre au pied de sa tombe scellée un an auparavant et ajuste son cerveau en mode « vengeance ». The Crow invente une sorte de « Rape and revenge » inversé, celui où Madame n’a peut-être plus la force ni l’esprit assez solide pour s’occuper elle-même de ses bourreaux, et où intervient alors Monsieur qui se charge de la sale besogne en ne faisant pas dans la dentelle tant c’est mérité.

Comment voir The Batman m'a rappelé à quel point The Crow est un film génial !
"Un vrai taudis. J'ai bien fait de me barrer !" ©Dimension Films

** Gentrification **

Mais comment en est-on arrivé à un tel déchaînement de violence ?

C’est en fait à cause d’une bête et banale histoire de location de logement que tout dérape dans The Crow et fait naître le personnage-clown et phare du film. Car sous couvert de davantage de mixité sociale dans les quartiers du cœur de ville, Shelley, la petite amie de Draven, bouscule tout un univers sordide et sanglant. Sordide et sanglant certes, mais avec un équilibre et une routine bien rôdés tout de même. Un équilibre qui s’exerce dans ces quartiers populaires où coexistent en toute quiétude, les fêtes locales (Voir ci-dessus « Fête du diable ») et les modes de vies bohèmes des personnalités autochtones. Non, la gentrification et l’embourgeoisement n’auront pas lieu, tout au moins pas à ce stade du film. 

Je comprends pourquoi avoir vu Batman m’a fait revenir à The Crow. Bien que chronologiquement le comic book Batman soit l’« ancêtre » de celui de The Crow, on y croise dans les deux cas des personnages masqués qui se cherchent et nous aspirent dans leurs questions douloureuses mais nécessaires. Pour en revenir à The Crow, pourtant si ancré dans sa culture du spleen et des nineties, le film porte en lui quelque chose de novateur dans ce qui constitue aujourd’hui, peut-être encore pour des années, notre société.

Vous je ne sais pas, mais pour moi le Bruce Wayne 2022, avec son style cafardeux et sacrément rock, c’est un peu un Eric Draven qui aurait changé d’animal totem.

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