Créateurs : Linn Gottfridson, Anders Weidemann, Antonia Pyk
Produit par : Carolina Henriksson, Anita Rytting 
Actrices et acteurs principaux : Ulf Stenberg, Tobias Zilliacus, Miriam Ingrid
Mon plat préféré : le foie de bébé phoque
Années de diffusion :  Depuis 2020
Où la voir : HBO Max
Synopsis officiel : Le hockey est la dernière lueur d’espoir pour la ville de Beartown de regagner une certaine dynamique. Une lourde responsabilité pour Peter, le nouvel entraîneur de l’équipe junior, et Kevin, l’étoile montante. Au milieu de cette effervescence, un acte violent sème le trouble au sein de la communauté.

Si Dallas n’a plus rien à prouver, tout reste à faire pour Beartown. Partant quasiment pourtant des mêmes ingrédients (travail, argent, famille…), la série s’enlise dans le seul élément qu’elle n’a pas en commun avec son non-homologue made in US : la neige

C’est parce qu’on pense que les grands classiques ne meurent jamais que j’ai voulu revenir à une série sans effets spéciaux, avec des drames existentiels et se déroulant essentiellement à un seul endroit. S’attaquer à une analyse du mythique Dallas aurait été prétentieux de ma part, et j’étais de toute façon persuadée que je dénicherais une pépite quand j’ai découvert Beartown (Björnstad en VO).

Alors d’abord, moi qui voulais revenir à quelque chose de moins artificiel, je peux maintenant le dire : pour la sobriété on est servis ! Côté décors, à part quelques plans qui rappellent le travail de Yann Arthus-Bertrand, on est constamment tiraillés entre le bar et ses affreuses peaux de bêtes fixées au mur, les maisons des deux principales familles protagonistes et, bien évidemment, les patinoires. A côté de ça, et si tu l’as vu, le film Oblivion c’est la gay pride.

Côté casting, ne cherche pas, tu ne connais personne. J’avais vaguement pensé que ça pourrait être un avantage : autant découvrir de nouveaux talents !

Côté scénario enfin, on reste sur un pitch plutôt « classique » : une petite bourgade tranquille bascule le jour où reviennent au pays Peter et sa famille. Ancien champion de hockey, il s’est éloigné de son chez lui à la suite d’un drame personnel.

Ce que je trouvais intéressant de prime abord, c’était qu’on ait une série évoquant le hockey, ce sport visible une fois tous les quatre ans et dont on ne retient jamais rien d’autre que les éclaboussures de sang et de bave sur les vitres en plexiglas des patinoires olympiques. C’était le point essentiel étant donné que c’est ce sport, précisément, qui est la préoccupation de quasiment tous les habitants. Et on les comprend. Faut dire que dans le coin il n’y a pas grand-chose à faire.

Beartown : un Dallas suédois à l'univers pitoyable
C'est pas ici la Gay Pride ? - ©Paramount Pictures

Dans Dallas, tu as le pétrole, à Beartown, c’est le hockey. Et comme Dallas avant elle, la série lie famille, argent et travail, parce que le hockey tout seul, pour une série, soyons honnêtes, ça ne rassemblerait pas grand monde.

Justement niveau famille d’abord, on est dans le fin fond du trou de l’anus du monde et si les scénaristes avaient créé un lien familial entre le peu de protagonistes présents à l’écran, ça aurait fait louche [Note pour plus tard : la consanguinité aurait peut-être rendu la série plus intéressante ? En faire part aux scénaristes]. A la place, on a le gentil Peter et sa famille, de retour chez eux après de nombreuses années. Pas de « vrai » frangin en vue pour Peter, mais à la place Mats Erdahl, ancien partenaire de hockey et grosse fortune de la ville. Une relation étrange s’instaure entre ces deux-là d’autant que Maya, la fille de Peter, a un net penchant pour Kevin, le fils de Mats.

Côté travail ensuite, on comprend vite que Peter s’est fait entourlouper comme un bleu et que s’il a bien été rappelé pour entraîner l’équipe locale, celle-ci vient de laisser partir ses deux meilleurs joueurs et possède un niveau fort aléatoire… Mais enfin Peter, tu ne lis pas l’Equipe ? Tu crois que Zidane serait devenu entraîneur du Real Madrid sans pouvoir acheter Hazard tout en se séparant de Kovacic ? On s’informe sur son futur boulot avant de revenir dans un trou paumé pour passer son temps à se les geler et ne pas voir le jour !

Enfin, niveau argent, c’est décidément pas de chance. Si l’équipe perd l’un de ses prochains matchs, elle perdra la patinoire. Bon sang, LA patinoire quoi ! Le seul truc qui vit et transpire en abondance à des kilomètres à la ronde ! Ça c’est de l’intrigue !

Une fois ces bases posées cependant, j’étais toujours à 0 sur ma barre émotionnelle et ressenti. Mais comme il faut toujours avoir la positive attitude et que parfois un épisode ou deux sont nécessaires pour installer une atmosphère, j’ai décidé d’attendre que débute réellement l’histoire. C’est là que je me suis trompée.

Beartown : un Dallas suédois à l'univers pitoyable
Beartown m'aura laissée de glace - ©HBO Max

Dans les séries comme Dallas, je le rappelle, une fois que les bases sont posées, d’autres thématiques émergent pour faire encore avancer le récit.

Précisément. Tu te rappelles de Maya, la fille un peu simple d’esprit de Peter ? Alors qu’elle croit sincèrement en une idylle avec Kevin, celui-ci abuse sauvagement d’elle à une soirée. Rude, hein ? Moi aussi, j’ai cru qu’en relançant l’histoire à ce moment, il allait enfin se passer quelque chose de dramatique et inattendu. Au lieu de ça, j’ai eu l’impression d’avoir déjà assisté à la scène de viol (parfaitement, je crois que c’était dans 13 Reasons Why). Si ce n’est pas un comble d’avoir une sensation de déjà vu lors d’un événement pareil.

Mais que dire alors des parents exemplaires de stoïcisme lorsqu’ils apprennent la nouvelle ? A l’annonce du viol, ils ne se mettent aucune pression, se rendent gentiment au commissariat et encouragent leur fille à raconter ce qu’il s’est passé. Ça c’est de la parentalité moderne ! On reste zen et on respire alors que le violeur de ta fille habite juste à côté. Bilan (lourd) au niveau émotion : 0. 

En termes de crédibilité, la série atteint ensuite des limites insoupçonnées lorsqu’elle n’hésite pas à intégrer de vieux clichés. On fait par exemple appel à un personnage-réfugié de service pour… quoi déjà ? Ah oui, montrer que le petit émigré en question est en fait lui aussi un gamin capable de devenir un super bon joueur de hockey ! Mais pas que, puisqu’il permet de rétablir la vérité à un moment de l’histoire où personne ne l’attend (sauf toi et moi qui sentions la « non-chute » arriver comme un cheveu sur notre soupe).

Que dire de la mère de Lyt (un autre PNG hockeyeur fonctionnel), complètement obsédée par son fils qu’elle voit comme un grand champion et qu’il faut absolument faire jouer au risque de faire perdre toute l’équipe ? Mais les scénaristes là, ho ! Le syndrome « enfant-roi » ça fait longtemps qu’il a été exploité. Madame, du coup, votre crédibilité pour ce rôle, on n’y croit pas du tout.

Idem pour Kevin, le futur grand champion qui ne fait que courir et s’entraîner à longueur de journée, même parfois de nuit. « Tu ne fais qu’un avec ton palet ! » (sic). Niveau physique, ce gamin ressemble davantage à un nounours nourri au grain et shooté à l’hélium qu’à un sportif émérite.

Benji, ce personnage un peu à l’ouest fumeur d’herbe non occasionnel ? Le temps d’un épisode, j’ai cru qu’un arc narratif nouveau s’ouvrait. Mon hypothèse est que ce personnage n’est vraisemblablement rien d’autre qu’un prétexte pour évoquer une homosexualité suédoise et fortement musclée. Cette scène de baiser entre deux protagonistes en bonnets et sur un fond musical vintage était-elle absolument nécessaire ?

Beartown : un Dallas suédois à l'univers pitoyable
La patinoire c'est la vie - ©Disney

Là je sais, tu vas me parler d’inclusion. Je n’y ai pas pensé, tout simplement parce que je n’avais jamais vu une série aligner autant de personnages à la queue leu leu tout ça pour ne pas les exploiter plus dignement, qui plus est sans réel fil conducteur. J’ai cherché, je ne vois aucune excuse. Beartown joue sans arrêt au yoyo concernant les émotions des personnages mais à aucun moment cela n’explose. Pas de crise, de grosse colère, de profondeur ou jeu (d’acteur) de la part des personnages. Ils semblent ressentir des choses dans leurs têtes, mais pas toi. Tout n’est qu’effleuré là où on attend une révélation ou une clé de lecture. 

Alors que la série ne t’aura sans doute arraché ni larme, ni cri, ni un quelconque semblant de sentiment, les derniers plans laissent encore présager bien pire. En effet, quid du petit dernier de la famille de Peter, décédé tragiquement plusieurs années auparavant ? Macabre comme question ? On aimerait juste un peu d’émotion, alors même de la tristesse on prend.

C’était Beartown, la série inclusive qui m’a laissée froide. Il est des séries qui font de leur simplicité de ton ou d’un scénario habilement construit une réelle force. Dans Dallas au moins on avait le vrai gros méchant J.R., des vrais gentils complètement niais et une vraie alcoolique. Peu importe que vous soyez fan de Bjorn Borg ou simplement de hockey, dans Beartown, on meuble, on meuble. Ikea n’a qu’à bien se tenir.

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