Réalisateur : Jean-Pierre Jeunet
Scénaristes : Guillaume Laurant et Jean-Pierre Jeunet
Actrices et acteurs principaux : Isabelle Nanty, Elsa Zylberstein, Claude Perron, Stéphane De Groodt et François Levantal
Mon IA préférée : Dolores dans Westworld
Date de sortie : 11 février 2022
Où le voir : Netflix
Synopsis officiel : En 2045, l’intelligence artificielle est partout. À tel point que l’humanité compte sur elle pour assouvir ses moindres besoins et ses moindres désirs – même les plus inavouables… Dans un quartier résidentiel tranquille, quatre robots domestiques décident soudain de retenir leurs maîtres en otages dans leur propre maison. Enfermés ensemble, une famille pas tout à fait recomposée, une voisine envahissante et son robot sexuel entreprenant sont donc obligés de se supporter dans une ambiance de plus en plus hystérique ! Car, à l’extérieur, les Yonyx, dernière génération d’androïdes, tentent de prendre le pouvoir. Tandis que la menace se rapproche, les humains se trompent, se jalousent, et se déchirent sous les yeux ahuris de leurs robots d’intérieur. Et si, au fond, c’étaient les robots qui avaient une âme… ou pas !
J’aurais pu écrire une critique positive de BigBug – oui, oui, je fais partie de cette poignée d’humains ayant aimé le film – mais je vais me contenter d’expliquer pourquoi la fin est ratée.
Dès le départ, Jean-Pierre Jeunet nous donne à voir un humain mâle et femelle – sous l’emprise des Yonyx (intelligences artificielles) – à quatre pattes comme des chiens qui se reniflent le derrière. Une première scène malaisante qui paraît alors surréaliste tant on ne peut s’imaginer que les humains ont atteint ce niveau de bestialité; quoi que puisse en dire Freud.
Si la scène se veut fictive, car tirée de la série Homo ridiculus dans laquelle les Yonyx se plaisent à nous humilier, elle laisse présager la suite des évènements : les intelligences artificielles vont prendre le contrôle tandis que les humains succomberont à leurs pulsions sexuelles.
Il suffit d’attendre la scène suivante pour en avoir la confirmation : le personnage joué par Stéphane De Groodt drague ouvertement, et devant son fils, Elsa Zylberstein. Pire encore, il n’hésitera pas à faire échouer un plan d’évasion de la maison pour assouvir son désir.
Le robot ménager, Monique, analyse d’ailleurs la situation :

La bande annonce le laisser voir clairement : dans BigBug, beaucoup de choses tournent autour du sexe. Comme si les humains du monde moderne, complètement dépendants de la technologie, cherchaient à redonner du sens à une vie dans laquelle ils se sentent inutiles. Quoi de mieux pour cela que de s’adonner au processus naturel biologique de reproduction ? Visiblement pas grand-chose, puisqu’alors que tous les personnages risquent de mourir, chacun se trouve un partenaire sexuel pour assouvir un besoin qui paraît alors primitif. Tout cela, sous l’œil impassible d’un Yonyx qui passe de chambre en chambre pour surveiller que les humains ne tentent pas de s’échapper.
Cette scène prouve à elle seule que l’humain est bien en train de devenir “facultatif” (sic), en dépit de ce que défend le personnage d’Elsa Zylberstein.
En créant des êtres artificiels bien supérieurs, la race humaine a creusé sa propre tombe et est maintenant vouée à disparaître. Au visionnage du film, on se dit même que c’est tant mieux, puisque Jean-Pierre Jeunet dépeint des Hommes bêtes et primitifs qui n’ont pu empêcher les profonds dégâts du réchauffement climatique, et qui se comportent de façon presque aussi détestable que leurs bourreaux, les Yonyx.
Pire encore, les humains ont fait des robots ménagers leurs esclaves n’hésitant pas à les rembarrer pour pas grand-chose et à les prendre de haut en permanence, alors que ceux-ci cherchent par tous les moyens à protéger leurs maîtres et tentent même de devenir plus humains. Un comble, d’autant plus lorsque l’on sait que la capacité intellectuelle des robots ménagers de BigBug est supérieure à la nôtre.

Or, ce qui distingue ces machines de notre espèce est finalement l’amour et c’est la raison pour laquelle l’humain ne sera jamais facultatif. C’est en tout cas le parti pris des scénaristes sur la fin.
Si on espérait quelque chose de plus tranchant – à l’image des actions d’Extinction Rébellion – après une longue mise en garde, nous voici seulement propulsés dans le monde des Bisounours, où il n’y a qu’à s’entraider pour s’en sortir.
Utilisant une pirouette surréaliste, Jean-Pierre Jeunet décide de montrer que l’erreur n’est pas seulement humaine et sauve in extremis ses personnages. Il suffit alors d’une seule action stupide commise par un seul Yonyx pour détruire toutes les intelligences artificielles et sauver notre espèce.
En quelques secondes se produit, donc, un retournement de situation à l’opposé de ce que les scénaristes se sont échinés à démontrer pendant deux heures, c’est-à-dire que les Yonyx sont très supérieurs et les humains sont voués à disparaître face à des intelligences artificielles qu’ils ont eux-mêmes créées (et c’est finalement tout ce qu’ils méritent).
En laissant finalement perdurer notre espèce, le réalisateur fait le choix de l’optimisme, mais pas de la vraisemblance et fait rater à BigBug sa sortie.
Une fin idéaliste – qu’on ne peut que saluer – à défaut de pleinement l’apprécier.