Réalisateur : Merzak Allouache
Scénariste : Gad Elmaleh et Merzak Allouache
Actrices et acteurs principaux : Gad Elmaleh, Alain Chabat, Roschdy Zem, Catherine Frot et Claude Brasseur
Le métier que je voulais faire enfant : Caissière ou astronaute (#truestory)
Date de sortie : 19 mars 2003
Où le voir : VoD, support physique
Synopsis officiel : Chouchou, un jeune Maghrébin, débarque clandestinement à Paris dans la seule intention de retrouver son neveu. Recueilli par le Père Léon et le Frère Jean, en charge d’une paroisse de banlieue parisienne, Chouchou trouve un emploi : assurer l’entretien du cabinet d’une psychanalyste, le docteur Nicole Milovavitch, et recevoir ses clients.
Ce dernier se rend bientôt à Clichy à la recherche de son neveu, devenu « Vanessa », chanteuse romantique au cabaret L’Apocalypse. Le jeune homme y retrouve ses amis et décide de se travestir lui aussi à ses heures libres. Devenu « serveuse » de nuit, il fait la rencontre de Stanislas, un quadragénaire habitué des lieux. C’est le coup de foudre.
Malheureusement, un patient du docteur Nicole Milovavitch, l’inspecteur Grégoire, a vent de l’arrivée clandestine de Chouchou à Paris et de sa double personnalité…

Ça nous est déjà tous arrivé de ne plus nous souvenir d’un film qu’on a pas vu depuis très longtemps… C’était le cas pour moi avec Chouchou.

De façon assez étrange, c’était un des films phares de mon enfance. Et en faisant du tri dans mes DVD (oui, oui ça existe encore), je suis retombée dessus. C’est typiquement le genre de film où on se dit « tiens, il faudrait que je le revoie », et puis il peut se passer des mois voire des années avant qu’on passe à l’action.

Pour moi, il aura fallu la visite de mon meilleur ami et l’envie de regarder quelque chose de léger.

Mais voilà, si Chouchou est une comédie, ce n’est pas forcément la comédie la plus légère qui soit. Ne me souvenant quasiment plus de l’histoire – à part que le personnage de Gad Elmaleh préférait s’habiller en femme – j’avais peur que le film ait très mal vieilli. Un peu comme Friends et la grossophobie, j’imaginais à tort une comédie pas très subtile et transphobe.

Car si beaucoup voient en Chouchou l’histoire d’un « clandestin homo », le film soulevait, en fait, dès 2003, les questions de la transidentité avec une grande bienveillance.

Chouchou, un homme travesti ?

Au début du 21ème siècle, les termes ‘transgenre’ et ‘transsexuel’ n’étaient pas encore démocratisés et lors des interviews promotionnelles, Chouchou était décrite à la fois comme un homosexuel et un travesti.

Face à cette catégorisation bien réductrice, Gad Elmaleh n’objectait pas, mais, paradoxalement, définissait son personnage comme un homme qui se sentait femme et aurait préféré être née avec un sexe féminin. Dès lors, Chouchou n’est pas un travesti, mais un transgenre.

Pourquoi il faut regarder Chouchou avec un œil contemporain
Le Penseur revisité - ©Warner Bros. France

Un travesti est une personne qui aime se déguiser dans un genre qui n’est pas le sien. La notion de déguisement est alors indissociable du travestisme. A l’inverse, être transgenre n’est pas un déguisement, mais une identité qui s’accompagne du sentiment de ne pas être né dans le bon corps. Dans une interview avec Thierry Ardisson, le personnage de Chouchou évoque même l’idée de changer de sexe chirurgicalement (c’est ce qu’on appelle la transsexualité).

De fait, si Gad Elmaleh interprète une femme (transgenre), sa relation avec le personnage d’Alain Chabat ne peut être réduite à une relation homosexuelle.

Chouchou un homosexuel devenu femme ?

L’homosexualité est aujourd’hui définie comme une attirance entre deux personnes du même ‘genre’. A la sortie du film, cette définition était sans doute réduite à une attirance entre deux personnes du même ‘sexe’.

Or, depuis, de multiples chercheur.euse.s spécialisé dans l’étude du genre, comme Judith Butler, ont théorisé le genre comme étant une construction sociale. Cela veut dire qu’être né avec un vagin ou un pénis ne fait pas de nous un homme ou une femme. Simone de Beauvoir l’écrivait « on ne nait pas femme, on le devient’, parce qu’en grandissant un enfant reproduit des normes dites masculines ou féminines, et se conforme ainsi à son sexe de naissance.

Agir contre les normes donne alors la possibilité de lutter contre l’assignation de genre. Les recherches académiques ont ainsi mis en avant la fluidité du concept de genre, qui s’oppose à la rigidité du sexe physique.

Dans le cas de Chouchou, si son sexe est masculin, son genre est féminin parce que c’est ainsi qu’il s’identifie.

De fait, et puisque Stanislas s’identifie comme un homme, sa relation avec Chouchou ne peut être définie comme une relation entre deux personnes du même genre. Dès lors, aucun des deux n’est homosexuel.

Pourquoi il faut regarder Chouchou avec un œil contemporain
Moi quand je vais revoir mes copains de Crossovor - ©Warner Bros. France

Le personnage de Gad Elmaleh pourrait ainsi être catégorisé comme hétérosexuel avec une attirance pour le sexe opposé (ici, les hommes).

Mais, le plus intéressant est de questionner la sexualité de Stanislas.

D’hétérosexuel à pansexuel ou queer

Le personnage d’Alain Chabat, pourrait également être décrit comme hétérosexuel, mais une telle catégorisation serait assez limitante pour un film qui promeut la différence et la tolérance.

Pour moi, en tombant amoureux d’une femme transgenre, Stanislas serait plutôt pansexuel, c’est-à-dire qu’il est attiré amoureusement et/ou sexuellement par des personnes sans se poser la question de leur genre ou de leur sexe.

Ou encore, il pourrait être queer et refuser toute catégorisation binaire (homme/femme, hétérosexuel/homosexuel), ce qui signifierait ne pas vouloir appartenir à un genre ou une sexualité définie. Autrement dit, refuser d’être mis dans des cases.

Si, bien sûr, tout le monde ne sera pas d’accord avec mon interprétation du film et si chacun se fera sa propre opinion, il est, selon moi, fort utile de regarder Chouchou avec un œil contemporain. Ne serait-ce pour se rendre compte que cette comédie touchante réussit à promouvoir la tolérance sur un sujet (encore) tabou qu’est la transidentité. 

C’est avec des films comme ça, qui font avancer les mentalités, qu’on parviendra un jour au rêve de Chouchou qui disait : « J’aimerais [que les gens] vivent leur personnalité, leur identité, comme ils veulent. Et que tous les gens au monde […] qui se sentent différents, et bah, ça fait plaisir qu’ils vivent comme il veut ».

Sources :

  • Transsexuel, travesti et transgenre : quelles sont les différences ?sur vivre-trans.fr
Partager.

Laisse une réponse