Créateurs : André Nemec, Jeff Pinkner
Produit par : Netflix
Actrices et acteurs principaux : John Cho, Mustafa Shakir, Daniella Pineda
La série dont Marie nous parle tout le temps : Person of Interest
Année de diffusion : 2021
Où la voir : Netflix
Synopsis officiel : 2071. Suite à un accident survenu sur la Lune, la vie sur la planète Terre est devenue impossible. Les Humains ont dû partir, coloniser d’autres planètes. Cet exode a créé un chaos dans tout l’univers, laissant une totale liberté aux criminels les plus dangereux. Un vrai terrain de jeu pour les chasseurs de primes. Parmi cette clique : le Bebop, un vaisseau spatial abritant Spike Spiegel et Jet…
Trente ans et quelques jours après tout le monde, j'ai enfin posé mes yeux sur l'intégralité de la saison 1 de Cowboy Bebop, la série live déjà annulée de Netflix. Et si le show a un défaut, ce n'est peut-être pas celui que l'on croit...
Lorsque Netflix a annoncé l’annulation de son adaptation live de Cowboy Bebop, John Cho l’a eu un peu mauvaise. Il faut dire que celui qui incarne Spike Spiegel s’est donné corps et âme sur la série, allant jusqu’à se blesser assez salement sur le tournage avant de revenir après un an de rééducation. Un petit air de « tout ça pour ça » qui doit fortement l’avoir marqué. J’ai presque de la peine pour lui, d’autant que son interprétation n’avait rien de déshonorante.
QUOI ?! Je vais dire du bien de cette série alors qu’il est si facile de tirer sur l’ambulance ?! Presque.
Étant moi-même fan de l’œuvre originale de Shin’ichirō Watanabe, j’avais accueilli le projet avec un grincement de dents à m’emmener d’urgence chez le dentiste. Je connais les adaptations Netflix, je connais leur approche des mangas et animes japonais (Death Note, c’est de toi que je parle !) et les voir s’attaquer à une série qui a élevé le mélange des genres au rang d’art avec des personnages aussi complexes à retranscrire, ça sentait bon le lavement rectal non consenti.
Pourtant, je dois reconnaître que si, évidemment, l’adaptation prend énormément de largesse, l’esprit général est plutôt respectueux. On y retrouve l’anime dans les grandes lignes (en version low cost, aussi bien visuellement que narrativement), les acteurs s’impliquent dans leurs personnages, et même sans connaître l’original, ce n’est pas la plus grosse atrocité produite par la plate-forme de streaming. Au contraire, dans un certain sens, c’est une mise en bouche sympathique pour qui voudrait ensuite se lancer dans l’anime. Certes, pour un simple apéritif, le coût de production était peut-être un peu élevé, d’où l’annulation.
Le Vicious de la discorde
J’en viens au cœur de mon sujet : le véritable échec de cette série live. Rappel des faits : le show a deux arcs narratifs : d’un côté, nos chasseurs de primes du Bebop et de l’autre, le projet de coup d’État de Vicious contre l’Organisation. Forcément, ces deux arcs finiront par se rejoindre à cause de l’histoire commune entre Spike et Vicious ; je ne t’apprends rien (ou sinon regarde l’animé tête de poney !). Et si on part du principe que plus ton méchant est réussi, plus ton œuvre le sera, alors Cowboy Bebop en images réelles est un accident industriel.
Sur les 26 épisodes qui composent l’anime de Watanabe, Vicious n’apparaît que dans 5 sessions. C’est tout. Seulement 5 épisodes constituent le fil rouge concernant Spike, Cowboy Bebop étant célèbre pour son approche désabusée (contrairement à son frangin inavoué Trigun), il n’y a que peu d’instant avec de réelles conséquences pour les personnages, mais chaque apparition de Vicious en apporte, jusqu’au dénouement final. De sa rareté née son importance.
J’ai craint la série live dès l’annonce de son casting. Vicious, incarné par Alex Hassell, était présenté comme un personnage prédominant, soit tout l’inverse de son homologue animé. Pour l’anecdote, Hannibal Lecter n’apparaît que 16 minutes dans Le Silence des Agneaux. Tu as compris où je voulais en venir : la surexposition de Vicious risquait de tuer le personnage.

Si on met de côté l’absolu manque de charisme de Vicious (désolé Alex, tu es une vraie erreur de casting), la série a tenté de respecter le fil rouge : on retrouve un criminel ambitieux rêvant de renverser ses patrons, détestant qu’on lui dise non, et fortement lié à Julia et Spike. Sauf que le « vrai » antagoniste est surnommé « le serpent venimeux », méchant glacial dont le sang-froid s’atténue uniquement quand il peut laisser exprimer sa cruauté. Il fait peur et il est craint, même parmi ses pairs. Cinq épisodes suffisent pour identifier le caractère du personnage, son passé et son futur. Il n’a pas besoin de plus.
Or, forcément, que ce soit en termes d’épisodes (10) ou de durée de ces derniers (environ 45 minutes), la version Netflix lui accorde un temps bien plus important et il a besoin davantage de caractérisation sous peine de tourner en rond. Et c’est là que les scénaristes font les pires choix.
Désormais fils du chef de l’Organisation et en couple avec Julia (on y reviendra), Vicious perd complètement de sa superbe pour se transformer en enfant pourri gâté qui nous fait un gros complexe d’Œdipe. L’homme ne semble plus agir par ambition, mais par caprice, par colère. On le voit ivrogne, pleureur, pitoyable. Même parmi l’Organisation, il n’est pris au sérieux que par sa position hiérarchique et son imprévisibilité, mais personne ne le respecte. On se moque souvent de lui. Vicious n’est plus une menace capable d’influencer le destin de nos héros, c’est un caillou dans une chaussure dont on rêve de se débarrasser. Adieu méchant iconique, bonjour le bouffon de service.
Julia, la rose avec trop d'épines
On ne peut pas parler de Vicious sans parler de Julia. Dans l’anime, celle-ci n’est quasiment qu’un fantôme du passé ; tout le monde la croyant morte avant qu’elle réapparaisse pour de courtes retrouvailles. Un personnage quasi absent qui n’est pas du goût des normes inclusives actuelles dont Netflix se veut l’un des chantres, ne pouvant se passer d’un rôle de femme forte pendant la majorité des épisodes de sa série (parce que Faye ne suffisait pas apparemment).

Donc, là encore, on invente une histoire, on réécrit le personnage. Elle n’est plus membre de l’Organisation, elle est « femme de ». Petite chose que tout le monde considère fragile, digne d’être protégée, mais en proie à une relation toxique avec un pervers narcissique, avant qu’elle ne se rebelle et se découvre de nouvelles ambitions (on a le bingo). Entre elle, Vicious et Spike, on n’est plus dans un triangle tragique, shakespearien, peuplé d’esprits empêchant de penser au futur, on tombe dans un véritable soap mal écrit, mal joué et qui n’a plus aucune valeur scénaristique si ce n’est faire gagner des minutes et remplir un cahier des charges.
Cowboy Bebop, la série live, a, en définitif, montré deux visages. Un premier tentant, avec ses maladresses, de rendre hommage à son modèle avec le bon esprit ; et un second qui se lance dans une grande entreprise d’auto-sabotage en cherchant à rajouter une couche « moderne » sur une œuvre déjà riche en l’état dans une démarche plus cynique qu’artistique. Et comme on n’avait pas eu suffisamment de clous sur le cercueil, l’introduction du dernier membre de la bande lors d’une ridicule scène finale viendra empêcher le moindre début de regret d’une saison 2 qui aurait été trop vite enterrée. Désolé John Cho.