Créateurs : Matt Groening, Josh Weinstein
Produit par : Netflix
Actrices et acteurs principaux : Abbi Jacobson, Nat Faxon, Eric André
Mon Coca préféré : l’original
Années de diffusion :  2018-2022
Où la voir : Netflix
Synopsis officiel : Direction le royaume médiéval en ruines de Dreamland pour suivre les mésaventures de Bean, une jeune princesse picoleuse, de son compagnon, un elfe chicaneur nommé Elfo et de son propre démon, Luci. En chemin, le fantasque trio rencontrera des ogres, des lutins, des harpies, des diablotins, des trolls, des morses et beaucoup d’humains idiots.

Ma première approche de Désenchantée, la nouvelle série co-créé par Matt Groening (papa des Simpson et de Futurama) pour Netflix, n'était pas des plus heureuses. Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis.

Avant d’entamer cet article, j’ai fait deux choses. J’ai mangé deux croissants et j’ai lu quelques critiques des différentes saisons (ou parties ? On s’y perd…) de Désenchantée. Je n’ai presque pas été surpris de voir que si on y loue certaines qualités ici et là, globalement la série de Netflix déçoit. Il semble que personne ne comprenne pourquoi la plate-forme de streaming, et surtout ses créateurs, Matt Groening et Josh Weinstein (aucun lien de parenté), continuent d’aller droit dans le mur. Le ressort humoristique du show fait de l’apnée depuis les premiers épisodes et ses intrigues narratives sont complètement décousues ou répétitives. 

Des critiques dont j’aurais pu moi-même me faire chantre lors de ma découverte de la première partie de la saison 1 à l’époque. Les dix épisodes ne m’avaient pas particulièrement donné l’envie de continuer et je trouvais, par ailleurs, les personnages insupportables. 

Et puis, récemment, et face à un ennui profond de ne plus avoir de format court à me mettre sous la dent avant de m’endormir (oui, je fais des digressions, comme la série), j’ai décidé de lui laisser une seconde chance en m’enfilant les trois saisons (ou parties ? Raaaaa) suivantes sans interruption. 

Une expérience que je décrirais ainsi : fascination, tentation, hésitation, révélation (si tu n’as pas la réf’, tu es Team Jacob)

Désenchantée : et si c'était justement le but ?
Les critiques à chaque saison de Désenchantée © Netflix

Il a toujours été dans l’objectif de Groening et son comparse de ne pas reproduire Les Simpson et Futurama et je pense que ce fut ma première erreur : celle d’être venu chercher un pendant heroic fantasy à l’une de mes séries préférées. Une quête qui ne pouvait être que vouée à l’échec, que ce soit dans l’humour ou dans les personnages. Avec le recul, question narration, le but des créateurs est entièrement accompli : à l’immobilisme des Simpson et à la précipitation de Futurama, Désenchantée propose une troisième ligne directrice : le pay-in, pay-off. Un procédé classique de scénario qui consiste à ce qu’un élément de l’intrigue soit réemployé plus tard et dont le show de Netflix use et abuse. Si on a cette impression constante que la série abandonne parfois ses idées en cours de route, en réalité, elles reviennent constamment sous une forme ou une autre. 

Ce qui m’amène à ma propre analyse : maladroitement (certes), Désenchantée ne tendrait à pleinement s’apprécier qu’à l’aube de son épisode final, lorsqu’il s’agira de (re)visionner la série d’une traite, sans faire de pause d’un an entre chaque partie. Les créateurs cherchent à raconter la grande histoire de Bean via des histoires plus petites, en apparence souvent décousues, mais qui prennent plus de sens une fois qu’on les regarde dans leur globalité. Lors de mon visionnage des quatre saisons / parties en seulement quelques jours, je n’ai ainsi senti les moments de flottement qu’à de très rares moments. 

C’est ce qui me pousse à comparer Désenchantée à une série majeure de la plate-forme : Bojack Horseman. Loin de moi l’idée de dire que la première atteint la cheville de la seconde, mais on y retrouve cette idée que le show entend raconter ses personnages à travers leurs cheminements intérieurs au-delà de leurs accomplissements ou leurs échecs. Dès lors, même les événements les plus vains en apparence, amèneraient à une conséquence indirecte observable quelques épisodes plus loin. De la même manière qu’on ne saurait critiquer un bouquin après trois chapitres, une série demande parfois à ce qu’on lui laisse raconter toute son histoire avant d’être jugée. Il semblerait que Désenchantée fasse partie de celles-ci.

Bonjour, moi c'est Elfo !

L’intention, c’est bien, mais encore faut-il que ce soit suivi d’actes ! Là encore, je pense qu’on a jeté un regard biaisé sur Désenchantée. Si on modifie notre paradigme en admettant que la série sait très bien où elle va, alors elle prend bien plus sens.

Running gags, personnages qui tournent en rond… et si c’était le but ? L’heroic fantasy comme terrain de jeu n’a rien d’une coïncidence et les créateurs utilisent autant les codes qu’ils les détournent. La fameuse quête, raison de vivre de chaque aventurier, délaisse son aspect matériel pour devenir intradiégétique. Chaque péripétie est ainsi l’occasion pour les personnages d’affronter l’ennemi intérieur, celui qu’on appelle nature profonde ou destin.

Désenchantée : et si c'était justement le but ?
Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants © Netflix

Sur une Terre enchantée, nos héros vivent des situations parfois futiles, souvent inéluctables, les renvoyant à leur propre condition. Derrière l’humour, se cache un show amer où une jeune femme tente d’échapper à l’emprise de ses parents tout en se trouvant elle-même ; où un Elf rejeté par les siens se retrouve prisonnier du propre stéréotype qu’il dégage ; où un démon n’en a plus que l’apparence. 

Finalement, ce sont ces péripéties en apparence anodines qui amènent nos personnages à se redéfinir. À titre d’exemple, si le voyage dans une ville steampunk laisse sur sa faim, c’est aussi ce qui amènera deux grands changements pour Bean d’un côté et Elfo de l’autre. La première parviendra à se définir en trouvant l’amour, l’autre fera le chemin inverse en perdant ce qu’il pensait être l’amour. Ailleurs, une énième tentative de coup d’État amène un roi fou aux portes de la vraie folie. C’est drôle et tragique à la fois ; logique pour un show au sous-texte particulièrement amer. 

Si la série paraît faire du surplace, c’est parce qu’elle est à l’image de ses protagonistes dont la fuite en avant ne fait que les ramener en arrière; un show où l’ennemi est surtout intérieur.  Des personnages en proie à la folie, à la drogue, à la dépression, victimes d’une sexualité bridée, de racisme… Matt Groening et Josh Weinstein sont en train d’écrire une série de notre temps, une série désenchantée.

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