Créateur : Jonathan Nolan
Produit par : CBS
Actrices et acteurs principaux : Jim Caviezel, Taraji P. Henson, Kevin Chapman, Michael Emerson, Amy Acker & Sarah Shahi
Ma patisserie préférée : les choux à la crème
Années de diffusion : 2011-2016
Où la voir : DVD/Blu-Ray, VOD
Synopsis officiel : Un agent paramilitaire de la CIA, présumé mort, est recruté par un millionnaire reclu pour travailler sur un projet top-secret : prévenir le crime avant qu’il ne se produise ! Un ingénieux programme élaboré par Finch identifie chaque jour des personnes qui vont être impliquées dans un crime. Victime ou coupable ? Reese va devoir mener l’enquête pour découvrir qui est en danger et empêcher qu’un nouveau meurtre soit commis…

Parce que tu n’es pas seul.e dans ton malheur, on a décidé de te raconter nos pires deuils de fiction.

Cet article fait suite à Deuils en série – Episode 1, dans lequel on explique pourquoi il est tout à fait normal de devoir faire le deuil de nos personnages préférés.

Attention spoilers sur Person of Interest.

Deuils en série - Episode 2 : Person of Interest
POV : tu te balades dans la rue aux Etats-Unis - ©CBS

S05E10. Même pas besoin d’aller vérifier le numéro de l’épisode, je sais que c’est celui-ci tellement j’ai été traumatisée. C’est dans cet épisode que Root meurt. 

Petit recap

Si tu n’as jamais regardé la série et ne connais pas Root, laisse-moi te faire un petit résumé, parce que c’est important pour comprendre la détresse émotionnelle que j’ai vécue.

Dans Person of Interest, Harold Finch, un gars hyper doué en informatique, crée une super intelligence artificielle pour empêcher un nouveau 11 septembre de se produire. Cette intelligence artificielle, appelée la Machine, observe et analyse tout et tout le monde en permanence. C’est un peu 1984, sauf que, ici, on veut vraiment le bien des humains. Au cours de la série apparaît Root, une hackeuse, qui malmène les gentils personnages principaux avant de rejoindre leur camp. Root est complètement obsédée par la Machine (qu’elle voit comme un être vivant capable de ressentir des émotions), et développe une relation très ambiguë et très intense avec cette dernière, allant même jusqu’à se faire implanter une oreillette pour avoir un lien direct avec celle qu’elle appelle sa « raison de vivre ». Et comme si son rapport aux autres n’était pas assez compliqué, Root commence, en parallèle, une relation amoureuse avec Shaw (qui fait partie de l’équipe des gentils). Sauf que leur relation ne décolle jamais vraiment parce que Shaw est enlevée après leur premier baiser. 

Voilà, tu sais en gros ce qu’il se passe dans la série. Je dis bien en gros, parce qu’en vrai c’est hyper complexe et j’ai même écrit un mémoire d’histoire sur Person of Interest, c’est dire.

Le drame

Plantons le décor. La saison 5 de Person of Interest est en cours de diffusion aux Etats-Unis, et plutôt que de regarder un épisode par semaine, je décide d’attendre que la saison soit terminée pour commencer à la regarder. Erreur. Le 2 juin 2016, deux jours après la diffusion de l’épisode 10 de la saison 5 outre-Atlantique, le magazine Premiere publie un article : “Quand les séries US massacrent la communauté lesbienne”, qui dévoile la mort de Root (merci pour le spoiler). 

Refusant de vraiment y croire, je mets cette information de côté et finis par débuter la saison finale – et tant attendue – de ma série préférée.

Deuils en série - Episode 2 : Person of Interest
Moi avant et après le visionnage de la dernière saison - ©CBS

Saison 5, épisode 1. Saison finale, season premiere, toute première scène, on entend en off Root parler alors que l’on découvre le QG des personnages principaux complètement en ruine : “Si vous pouvez entendre ça, vous êtes seul. La seule chose qu’il reste de nous est le son de ma voix. Je ne sais pas si l’un d’entre nous s’en est sorti. A-t-on gagné ? A-t-on perdu ? Je ne sais pas. Je ne suis même plus sûre de savoir ce que la victoire signifie. Mais de toute façon c’est fini. Alors, laissez-moi vous dire qui nous étions, laissez-moi vous dire qui vous êtes… et comment nous avons riposté.”

Un peu énigmatique comme message… Mais la saison 5 s’attèle à nous raconter le combat entre la Machine et Samaritan (l’autre intelligence artificielle pas forcément très gentille).

Arrive l’épisode en question. Alors que Root vient de retrouver Shaw (qui, je le rappelle, avait été kidnappée), les personnages principaux sont acculés et la hackeuse tente de protéger son ami, le créateur de la Machine, par tous les moyens; quitte à se prendre une balle et mourir.

J’assiste à la scène et je me dis “non, c’est pas possible”. Tout en sachant très bien que c’est possible parce que je l’ai lu dans ce p***** d’article de Premiere, sorti juste après l’épisode. 

Or voici ce qu’il se passe dans ma tête :

SI on entend Root dans le premier épisode qui veut nous raconter toute l’histoire, ALORS c’est qu’elle est encore en vie pour le faire et DONC qu’elle n’est pas morte. CQFD.

Les minutes passent. La tension monte. Le téléphone sonne. Finch décroche :

Voix de Root : Vous m’entendez ?

Harold Finch : Root ?

Voix de Root : Non Harold, j’ai choisi une voix.

Je comprends alors que la Machine (qui avait jusqu’ici une voix très robotique) se sert de la voix de Root.

Voici ce qu’il se passe cette fois-ci dans ma tête :

SI on entend Root dans le premier épisode qui veut nous raconter toute l’histoire, mais que la Machine prend sa voix, ALORS c’est la Machine qui parle au début du season premiere (pas Root), DONC Root est vraiment morte. CQFD. (D’autant plus qu’on la voit à la morgue dans cette même scène).

C’est à ce moment-là que je me mets à éclater en sanglots devant ma télévision. Incapable de m’arrêter ou de me calmer. Non, je n’exagère pas. Et non je ne suis pas particulièrement quelqu’un de très sensible non plus. Je ne pleure quasiment jamais, devant aucun film ou série télévisée. Et voilà que je me retrouve confrontée à un choc émotionnel sans précédent. Comme je l’ai dit en SANGLOTS. Incroyable et un peu ridicule quand je visualise la scène. 

Pourtant, il faut comprendre toute la symbolique derrière cette mort.

Deuils en série - Episode 2 : Person of Interest
"C'est doux l'herbe" - ©CBS

Rembobinons un peu avant la mort de Root pour nous remémorer une conversation qu’elle a eue avec Finch :

Harold Finch à Root : « Je n’ai pas donné de nom à la Machine, parce que j’espérais qu’un jour, elle pourrait peut-être s’en choisir un elle-même. […] Quelle voix préféreriez-vous ? »

Root : « C’est une grande fille. Comme vous l’avez dit, laissons la choisir. »

La Machine a choisi. Elle a choisi de prendre la voix de celle qui l’admirait plus que tout, celle qui la considérait comme une sorte d’âme sœur, celle qui ne voulait faire qu’une avec elle. C’est chose faite, après 100 épisodes, la Machine et Root ne font plus qu’une. C’est finalement ce que Root souhaitait depuis le départ et, ça, c’est symboliquement très beau.

Avec toute cette symbolique, combinée à mon adoration pour le personnage de Root, je n’ai pas pu retenir mes larmes.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. On ne parle pas ici d’un moment de tristesse pour ma part, mais bien d’un vrai deuil. Celui qui fait bien bien mal.

Après facilement 15 minutes de sanglots, je parviens à me calmer et décide d’enchaîner sur l’épisode suivant, histoire d’essayer de passer à autre chose… D’avancer. Grave erreur.

A peine l’épisode débuté la Machine parle à Finch, à nouveau en prenant la voix, l’inflexion et les expressions de Root. En une fraction de seconde, mes joues sont à nouveau trempées.

Harold Finch : “Je ne m’attends pas à ce que tu comprennes ce que représente la perte de [Root]”.

Machine : “Pourtant, je comprends. Je l’aimais. Vous m’avez appris à aimer.

Il est tard, je finis l’épisode difficilement et je vais me coucher en pleurant.

Deuils en série - Episode 2 : Person of Interest
Mes émotions qui se déchainent pendant que ma raison (à gauche) et ma fierté personnelle (à droite) essaient de reprendre le contrôle - ©CBS

Les jours qui suivent, rien qu’en repensant à sa mort, je pleure plusieurs fois.

Le problème c’est qu’il ne me reste que quelques jours pour regarder les deux derniers épisodes. Pourquoi ? Parce que j’ai rendez-vous avec ma directrice de recherche et que nous devons discuter de mon projet d’écrire un mémoire sur Person of Interest.

Je repousse le moment au maximum. Or la veille du rendez-vous, je n’ai plus le choix, il faut que je finisse la série. Je démarre l’épisode 12 sans enthousiasme. A toute évocation de Root les sanglots se font rares, mais sont quand même présents. Vient l’épisode final de la série tout entière et les passages symboliques s’enchaînent.

La Machine, toujours avec la voix de Root, s’adressant à Shaw: “Il y a quelque chose d’autre que je voulais te dire avant de partir.

Shaw : “Est-ce que c’est le moment où tu me dis de vivre en paix pour le reste de mes jours ? Et de m’occuper d’un jardin d’herbes aromatiques, ou quelque chose dans le genre ?

La Machine : “Non, je t’ai choisie exactement pour qui tu es. Mais il y a quelque chose que Root aurait voulu te dire. Tu as toujours pensé qu’il y avait quelque chose qui clochait chez toi, parce que tu ne ressens pas les choses comme les autres. Mais elle pensait justement que c’était ce qui te rendait belle. Elle voulait que tu saches que si tu étais une forme, tu serais une ligne droite; une flèche.

Qu’est-ce que ça veut dire ? Ça fait référence à des choses qu’elles se disaient avant la mort de Root. L’important est d’apprécier toute la beauté de la scène, avec Shaw qui a les larmes aux yeux alors qu’elle n’est pas censée pouvoir ressentir d’émotions.

A travers cette scène, Root fait en quelque sorte ses adieux à Shaw; même si c’est la Machine qui parle. Et le spectateur comprend bien que, d’une certaine manière, la relation entre les deux va pouvoir se poursuivre, car Root sera toujours dans l’oreille de Shaw. On se retrouve un petit peu dans une tragédie avec un amour impossible. C’est triste, mais c’est aussi très beau. Du coup, je n’ai pas pu m’empêcher de pleurer à nouveau pour cette relation naissante mais qui ne se concrétisera jamais vraiment.

Mais pourquoi tant de larmes ?

Si on résume, la mort de Root est hautement symbolique et pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, sa mort représente un tournant dans l’histoire et dans la guerre entre la gentille et la méchante intelligence artificielle. C’est à ce moment que le créateur de la Machine se décide à enfreindre ses propres principes pour pouvoir riposter. 

S’ajoute à cela, toute la symbolique de la relation entre Root et la Machine : la boucle est bouclée et Root est devenue celle qu’elle admirait tant.

Comme si tout cela ne suffisait pas, les scénaristes ont décidé que Root et Shaw ne pourront jamais vivre leur histoire d’amour, laissant les spectateurs sur leur faim et complètement tristes.

Voilà objectivement des éléments qui pousseraient n’importe quel spectateur à s’émouvoir d’autant plus à la mort de ce personnage clé. Or, cela n’explique pas vraiment mes sanglots. Il faut pour cela chercher des justifications bien plus subjectives.

Deuils en série - Episode 2 : Person of Interest
Pourquoi pas être amie avec une psychopathe obsédée par les tasers - ©CBS

C’est comme dans la vraie vie : pourquoi tu es ami.e avec telle personne et pas une autre. Pourquoi tu aimes telle personne et pas une autre. Pour Person of Interest, on peut se poser la question : pourquoi Root était mon personnage préféré alors que d’autres préfèreront Reese, Finch, Fusco ou Shaw ?

Ça, c’est difficile à expliquer, car l’appréciation de tel ou tel personnage est influencée par un entremêlement de divers éléments, comme notre personnalité, notre vécu personnel, l’image que l’on projette de soi ainsi que la version de nous-mêmes que nous aimerions être.

En plus d’être un personnage LGBT, Root est une femme forte et indépendante, à laquelle je peux facilement m’identifier. C’est aussi un personnage singulier qui s’assume comme elle est sans se soucier du regard des autres. Borderline, parfois psychopathe et surtout imparfaite, Root est également quelqu’un de très dévoué, prêt à tout pour protéger celles et ceux qu’elle aime.

Au-delà de m’identifier à elle, dans une certaine mesure, je pense que je la voyais parfois comme une source d’inspiration qui me servirait à modeler une version améliorée de moi-même.

Ce type d’attachement profond envers ce genre de personnage ne m’est d’ailleurs pas étranger. Il y a un certain pattern chez moi. J’affectionne particulièrement Dolores et Villanelle (respectivement dans Westworld et Killing Eve) parce qu’elles partagent les mêmes caractéristiques que Root que j’ai décrites plus haut.

C’est cette projection de moi-même sur Root, qui a déclenché le choc émotionnel que j’ai pu ressentir à sa mort. Et si aujourd’hui, en re-regardant la série, je ne pleurerais certainement pas (car j’ai fait mon deuil), il n’empêche que, des années après, Root a toujours une place très singulière dans mon cœur. Et j’y pense encore comme à un être cher que j’ai perdu. Oui c’est dingue, mais c’est ainsi.

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