Réalisateurs : Aaron Horvath, Michael Jelenic
Scénariste : Matthew Fogel
Actrices et acteurs de doublage principaux : Pierre Tessier, Benoît Du Pac, Audrey Sourdive, Jérémie Covillault
Mon jeu mario préféré : Mario Kart 64
Date de sortie : 5 avril 2023
Où le voir : au cinéma
Synopsis officiel : Alors qu’ils tentent de réparer une canalisation souterraine, Mario et son frère Luigi, tous deux plombiers, se retrouvent plongés dans un nouvel univers féerique à travers un mystérieux conduit. Mais lorsque les deux frères sont séparés, Mario s’engage dans une aventure trépidante pour retrouver Luigi. Dans sa quête, il peut compter sur l’aide du champignon Toad, habitant du Royaume Champignon, et les conseils avisés, en matière de techniques de combat, de la Princesse Peach, guerrière déterminée à la tête du Royaume. C’est ainsi que Mario réussit à mobiliser ses propres forces pour aller au bout de sa mission.
Réalisateurs : Jonathan Goldstein, John Francis Daley
Scénaristes : Jonathan Goldstein, John Francis Daley
Actrices et acteurs principaux : Chris Pine, Michelle Rodriguez, Regé-Jean Page, Justice Smith, Hugh Grant, Sophia Lillis
Mon conseil jeu de société : Munchkin
Date de sortie : 12 avril 2023
Où le voir : au cinéma
Synopsis officiel : Un voleur beau gosse et une bande d’aventuriers improbables entreprennent un casse épique pour récupérer une relique perdue. Les choses tournent mal lorsqu’ils s’attirent les foudres des mauvaises personnes.
Depuis quelques semaines, deux films américains s’affrontent dans nos salles : Super Mario Bros, le film et Donjons & Dragons : l’honneur des voleurs. Enfin, affrontement est un bien grand mot tant le premier marche sur le deuxième en termes d'entrées sans même avoir besoin de regarder où il met les pieds.
Il faut dire que le long-métrage d’animation consacré au célèbre plombier moustachu a tout pour lui : le talent et l’expérience des petits gars d’Illumination (le studio responsable des Minions), la force de frappe de la marque Nintendo, la popularité de leur mascotte qui ne faiblit pas depuis son premier jeu vidéo consacré en 1985, et un cœur de cible imparable : les enfants et les fans, créant ainsi le fameux double effet Kiss Cool.
En face, son adversaire n’a rien pour lui hormis le talent de ses réalisateurs et scénaristes Jonathan Goldstein et John Francis Daley (les papas de Game Night), la force de la marque Donjons & Dragons, la popularité d’un jeu de rôle sur table qui ne faiblit pas depuis les années 70, et un cœur de cible imparable : les fans et les non-initiés, créant ainsi le fameux double effet Kiss Cool.
Tu l’auras compris, peu de choses différencient vraiment ces deux œuvres, leurs amateurs respectifs partageant même ce souvenir traumatique de la première adaptation pourrie (film de 1993 pour Mario, 2000 pour Donjons). L’écart au box-office s’expliquerait ainsi sur le simple fait que le public amateur de Mario est largement plus étendu et que la campagne marketing de Donjons & Dragons : l’honneur des voleurs ressemblait bien trop à une énième production Marvel, dans le mauvais sens du terme.

Mais ce qui m’intéresse ici, c’est surtout l’utilisation que font les deux œuvres de leur univers et plus particulièrement des fameux clins d’œil faits aux fans. À ce jeu-là, en voulant marcher sur Donjons & Dragons, Super Mario Bros glisse sur une peau de banane.
Bonne publicité, mauvais film
Loin de moi l’idée d’égratigner le plombier par pur plaisir. J’en attendais personnellement beaucoup, attiré comme chacun par toutes les belles promesses qu’il nous vendait depuis des mois. Je trouve également le métrage plutôt réussi pour le jeune public. Encore une fois, l’équipe créative savait ce qu’elle faisait et ça se voit à l’écran.
Pour tout dire, j’ai vu les deux films deux fois chacun et concernant Mario, une chose déjà évidente à mon premier visionnage m’a complètement agacé lors du second : ses références constantes à l’univers du jeu vidéo jusqu’à plus soif. Les clins d’oeil ne servent pas le scénario, ils sont le scénario ; chaque scène étant simplement un prétexte pour en amener de nouveaux.
Comme s’il ne fallait pas nous laisser le temps de nous poser des questions sur l’intérêt ou non de tel easter egg, le film s’écoule dans un rythme ultra rapide. Les événements s’enchaînent de sorte qu’on trouverait ça presque normal qu’en quinze minutes, on ait un parcours d’obstacles sorti du jeu, un combat avec Donkey Kong et une course en Kart. On est littéralement noyés sous les références. Au moins, on ne peut nier la fidélité à la marque vidéoludique, c’est sûr.

Et puisque avec tous les efforts du studio pour rassasier les fans, il ne faudrait pas prendre le risque de louper un seul clin d’oeil. Du coup, ils sont évidemment appuyés sans aucune subtilité. On a l’impression constante que le film nous hurle « ET ICI, TU L’AS VU ???!!! REGARDE, C’EST DIDDY KONG, LUI AUSSI IL Y EST !!! ». Au sixième « Mamma Mia ! » de notre moustachu (j’ai compté), l’envie de lui faire bouffer sa casquette rouge était très forte.
Le jeu vidéo raconte les aventures d’un plombier italien sautant sur des tortues, rentrant dans des tuyaux et cassant des briques avec sa tête pour délivrer une princesse d’une sorte de grosse tortue-dragon. Autant dire que rien n’a de sens et qu’il semble vain d’essayer de lui en donner même lorsqu’on le porte sur grand écran. Mais est-ce une raison pour abandonner l’idée d’implanter un contexte ou une histoire lorsqu’on l’adapte ? Loin de jouer avec son univers, le métrage en fait sa norme, son héros ne se posant alors qu’une ou deux questions sur l’étrangeté de celui-ci avant de l’accepter.
Le long-métrage a beau être très généreux, j’ai eu la sensation d’assister moins à un film qu’à un produit publicitaire commandé par Nintendo. Une impression renforcée par quelques sorties de pistes autour des personnages secondaires dont l’humour fonctionnait bien plus en décalage avec le reste du répertoire trop propre sur lui. Exemple : l’introduction avec les pingouins ou l’esprit sociopathe en prison. Des bribes de second degré qui laissent à penser que les gars d’Illumination avaient les idées pour s’amuser avec l’univers et que la firme nippone leur aurait serré la vis. On en vient alors à fantasmer sur l’hypothétique Super Mario Bros, le film. Le vrai cette fois.
Donjons & Dragons, la valeur des voleurs
Un sentiment de gâchis renforcé par le visionnage de la concurrence. Lorsque je suis sorti de Donjons & Dragons : l’honneur des voleurs (les deux fois), il m’a été impossible de ne pas faire de comparaison en y voyant tout ce que j’aurais aimé que Mario soit.
Neverwinter, la porte de Baldur… les références ne manquent pas non plus dans le film distribué par Paramount. En termes de rythme et de générosité, les deux longs-métrages se valent complètement et jouent dans la même catégorie. Sauf que dans le cas présent, les clins d’oeil ne sont pas le but, ils sont l’outil.

Il est extrêmement facile de rentrer dans cet univers sans en connaître ses codes, tant le film se construit comme une exploration de ces derniers sans en révéler les ficelles grossières. Pour être plus explicite, il suffit de prendre le personnage incarné par Chris Pine.
Pour les non-initiés, il s’agit d’un barde beau parleur qui cherche à accomplir un objectif personnel et qui va se retrouver mêlé à une intrigue bien plus grande. Un chemin de vie acceptable en l’état qui n’aurait pas besoin de clés supplémentaires pour vraiment l’apprécier. Mais lorsqu’on parvient à lire entre les lignes, impossible de ne pas voir derrière ce barde l’avatar d’un joueur novice de jeu de rôle qui étofferait son personnage au fur et à mesure des obstacles placés par le maître du jeu. Chris Pine a exactement les mêmes interactions avec son univers qu’aurait un joueur autour d’une table avec autant de plans foireux et de jets d’action ratés ou chanceux.
Un esprit ludique qui habite chaque séquence du film, même dans le plus petit détail, apportant ainsi l’humour et le second degré avec le parfait dosage. Le Paladin incarné par Regé-Jean Page est au sens propre l’incarnation de ce qu’il est censé représenter avec un sens de la justice et une absence d’ironie hilarante. On peut même le considérer comme un PNJ (personnage non joueur) à bien des égards, surtout lorsque celui-ci se perd dans une longue explication pour traverser un pont piégé et que notre sorcier en herbe Justice Smith marche sur un piège avant la fin de celle-ci, provoquant le « bug » de son interlocuteur.

Donjons & Dragons nous présente un monde réfléchi où chaque action a un sens, où chaque héros gagne en niveau et où chaque objet est pensé pour servir à l’accomplissement des quêtes et non pas en simples easter eggs. L’honneur des voleurs ne se contente pas d’empiler le fan-service avec des passages attendus, il en a fait le fil rouge d’un scénario qui s’en nourrit sans nous le cracher au visage. Le duo de scénaristes / réalisateurs voulait nous faire plaisir, mais il voulait surtout faire un film. Et à ce jeu-là, il casse bien plus de briques que Super Mario Bros.
Si Donjons & Dragons : l’honneur des voleurs n’est pas parfait, il convient d’en tirer une petite morale à destination d’Hollywood. Depuis des années, les studios se servent de notre nostalgie pour nous abreuver de « produits marketing ». On nous ressort nos madeleines de Proust exactement de la manière dont on s’en souvient. C’est facile, c’est cynique et ça marche. Super Mario Bros, le film en est une nouvelle preuve. Alors que D&D transpire l’intention de la part de personnes ayant grandi avec ces mêmes madeleines, et qui préfèrent user de ces souvenirs pour créer quelque chose de nouveau. Entre la réappropriation maison d’une recette et le réchauffer au micro-onde, le dragon mangera italien ce soir.