La mort de Jean-Luc Godard a fermé une page de la grande histoire du cinéma. Un fait indéniable pour tout amateur du septième art. Sauf que comme Lorenzo Lamas, je me rebelle.

Le mois de septembre fut cruel pour la royauté. Quand les Anglais perdaient leur Reine, les cinéphiles pleuraient leur Roi. A bout de souffle et d’envie de vivre, Jean-Luc Godard, fidèle à lui-même, n’a pas attendu que la Mort vienne le chercher et a mis en scène son trépas. Le Redoutable s’était éteint.

De là, les hommages se multiplient en l’honneur de celui qui fût l’un des piliers majeurs de la Nouvelle Vague. Mais si, vous savez, ce courant français que chaque amateur de pellicule se doit de diviniser aux cieux de son esprit critique. Qu’on écrive sur son blog ou qu’on soit un immense réalisateur, Godard était l’Alpha et l’Omega du septième art.

Je vais également me revendiquer de l’homme juste le temps d’une petite formule car, à l’image de celui qui le fit avec ses pairs à partir des événements de 68, je vais, moi aussi, faire Bande à part.

Je n’ai pas fait d’école de cinéma et, à ce titre, je n’ai pas Godard tatoué sur la hanche. Quant à ma cinéphilie, celle-ci se porte bien, merci. Tout ça pour dire que je n’ai pas une énorme connaissance de la personne, mais en me basant sur les Deux ou trois choses que je sais d’elle, je peux le dire : je n’ai, pour le bonhomme, que du Mépris.

Jean-Luc le redoutable, Godard l'insupportable
"Dis que tu aimes Godard, dis-le !" © Anouchka Films

Si on m’enlève le plaisir d’user de sa filmo’ dans mes mots, je peux même avouer que je le déteste. Que ce soit le cinéaste ou l’homme. Je ne vais pas faire semblant, je n’ai pas eu l’occasion de me jeter sur toute son œuvre, je l’ai par ailleurs découverte sur le tard. C’est peut-être ça, le début des emmerdes : je n’ai pas forgé mon goût pour le cinéma avec ses films. Ni avec ceux de ses congénères. Oups, je ne suis pas le parfait Petit Soldat.

Du reste, qu’ai-je vu de Godard ? Les premiers pas de Belmondo, Bébel en Pierrot et les fesses de Bardot. Ce n’est que 5 ans dans la vie de celui qui en a eu 91, mais pour beaucoup, ces trois films constituent la Sainte Trinité de son œuvre, de la Nouvelle Vague, du cinéma, de la naissance du monde.

Que ma lapidation commence. 

A bout de souffle m’a laissé de marbre, la vacuité du Mépris m’a endormi et l’expérience Pierrot le Fou m’a énervé au plus haut point. Concernant ce dernier, pour l’amateur de narration que je suis, son dynamitage par Godard a donné lieu à l’un des visionnages les plus éprouvants de ma vie. Chef d’orchestre de son style, Pierrot le Fou m’a définitivement fâché avec le cinéaste et reste l’un des films que je hais – pas déteste, hais – le plus (avec Irréversible, coucou Noé).

Jean-Luc le redoutable, Godard l'insupportable
Moi dynamitant ma carte de membre du club des cinéphiles © Ciné Classic

Et si je ne peux nier l’apport de Jean-Luc Godard au cinéma et que je peux entendre le culte que mes contemporains lui vouent, j’ai eu du mal, au détour de ces trois œuvres, à ne pas y voir également le travail de quelqu’un convaincu de sa supériorité. Et c’est là qu’au-delà de ne pas apprécier son style, j’ai commencé à me désintéresser de l’homme. Chacun de mes visionnages s’est accompagné du sentiment d’assister à l’autocongratulation scénique et cynique d’un nombriliste hurlant au monde qu’il pouvait briser les codes et se gratter lui-même le haut du dos. Ce n’est pas totalement faux, il est vrai que sa façon d’imaginer le cinéma ne peut être copiée et c’est bien le seul dont on ne pourrait trouver d’héritier.ère. Il n’y aura pas de succession. Il était unique. Pas une mauvaise chose de mon point de vue. 

Et comme je le disais, il y a aussi l’homme. Je n’ai pas eu le « plaisir » d’être en sa compagnie, d’échanger avec lui, donc je me garderais de toute vérité objective, mais à l’heure des réseaux et de la critique facile, je peux faire la mienne : il me suffit d’avoir lu quelques échanges avec Truffaut pour comprendre que ma vision de son ego derrière sa caméra n’est pas mensongère. Il se croit provocateur, supérieur, alors que pour paraphraser le réalisateur de La Nuit Américaine, il se conduit « comme une merde ». Faut-il différencier l’homme de l’artiste ? Dans les deux cas, j’ai du mal à dissocier Godard et Connard. 

Et à celles et ceux qui me disent que, Jean-Luc Godard, c’est l’Histoire(s) du cinéma, je leur répondrais que je n’ai jamais pu oublier les larmes de Varda*.

* Dans Visages Villages, Godard pose un lapin à une Agnès Varda déboussolée. 

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