Réalisateur : Pierre Pinaud
Scénaristes : Pierre Pinaud, Fadette Drouard
Actrices et acteurs principaux : Catherine Frot, Melan Omerta, Vincent Dedienne
Le nom de mon chat temporaire : Courgette
Date de sortie : 30 juin 2021
Où le voir : canal vod
Synopsis officiel : Eve Vernet a été la plus grande créatrice de roses. Aujourd’hui, elle est au bord de la faillite, sur le point d’être rachetée par un concurrent puissant. Véra, sa fidèle secrétaire, croit trouver une solution en engageant trois employés en insertion sans aucune compétence horticole… Alors que quasiment tout les sépare, ils se lancent ensemble dans une singulière aventure pour sauver la petite exploitation.
Parfois, au boulot, tu as le droit de regarder un film avec tes stagiaires. Sauf que la collègue, qui te refile le film, n’a aucun esprit critique quant au cinéma en général. Regarder La Fine fleur fut pour moi un calvaire. Voilà bien un film que je déconseille si tu veux laisser une bonne image de toi auprès de gens que tu es censée former. La Fine fleur m'a collé la honte, en plus de se foutre de moi. Et je t’explique pourquoi.
La Fine fleur conte la chute d’Eve Vernet (Catherine Frot), qui fut en son temps une grande créatrice de roses : elle se fit connaître au-delà des frontières et remporta de prestigieuses récompenses. Mais les temps sont durs et la concurrence sans pitié. Eve voit son exploitation mise à mal et une accumulation de soucis financiers arrive en même temps qu’un coup au moral de la protagoniste.
C’est sans compter sur l’intervention de l’assistante d’Eve, Véra. Cette dernière, pleine de bonnes intentions (attention, ça commence là et ce n’est que le début…), amène sur le domaine trois personnages. On comprend qu’ils viennent de l’ « insertion », et, dès le départ, ça ne loupe pas, on confronte Madame Vernet – personnage abominable d’égoïsme et d’égocentrisme – à ces personnes un peu en décalage, qui sont en galère. Fred, Nadège et Samir sont des exclus sociaux.
Madame Frot je vous ai tellement aimé dans Le Dîner de cons et Marguerite, mais concernant La Fine fleur, qu’êtes vous donc allée faire dans cette galère ? Vous êtes méconnaissable et vous avez du mal à énoncer vos répliques. Je pourrais juste admirer votre prestation, parce que même en faisant fi de votre mauvaise interprétation et vos petits soucis d’élocution, vous avez l’air très investie dans votre rôle. Ah, vous aussi, vous êtes pleine de bonnes intentions ? C’est sans doute parce qu’on traite d’un sujet social et mal connu en France.

Bien, laissez- moi éclairer votre lanterne à ce sujet. Ce dont il est aussi question dans La Fine fleur, c’est ce que l’on appelle couramment l’insertion par l’activité économique. Pour te la faire courte, il s’agit d’insérer et/ou réinsérer des gens qui ont eu des soucis de parcours de vie. Concrètement, ça se traduit par un travail fourni à des entreprises dédiées qui permettra aux employés, à terme, de gagner leur vie dignement et de développer des compétences. Le domaine de Madame Vernet s’y prête très bien, sauf que les grosses ficelles employées par celle-ci pour se raccrocher aux branches et maintenir son activité sont totalement foireuses.
L’histoire du vol avec effraction par exemple. Eve est malhonnête et se sert honteusement des « services » de Fred pour commettre un cambriolage chez son concurrent. Cambriolage complètement incongru dans le scénario. D’abord parce que ledit cambriolage ne donne rien, ensuite parce que la scène vise uniquement à montrer :
1) Un jeune qui a fait un peu de prison et qui est un ancien voleur (bouh le cliché tout moche !!!).
2) Une patronne qui ne recule décidément devant rien et reste une méchante vraie de vraie (bouhou, le second cliché tout moche !!)
Le film brille encore par sa mièvrerie à toute épreuve lorsqu’il nous présente les autres « exclus ». Samir, un gars franchement sympa, qui ne veut pas d’ennui et rêve seulement d’un « CDI et un logement stable ». Sans rire Samir ! Toi aussi ? Ah mais donc je dois me considérer comme socialement exclue aussi huhu. Ou alors le réalisateur n’a toujours pas réalisé qu’aujourd’hui en France, le CDD c’est la majorité des gens et le logement une véritable galère ? Je passe rapidement sur Nadège, la fille hypersensible et dénuée de voix qui n’est pas foutue de donner un peu de consistance à son personnage et devient finalement la pauvre nana sur qui on peut facilement passer ses nerfs. En insertion, jamais tu ne laisses les gens comme ça tous seuls sur le terrain.

Dans ce film, il y aussi de fausses vraies bonnes idées. On insuffle du « talent » à nos exclus, comme pour montrer qu’ils font des trouvailles et qu’Eve est vraiment à côté de la plaque. A la Toussaint, par exemple, ils ont l’idée du siècle en vendant les roses de Madame Vernet à tous les p’tits vieux venus se recueillir sur les tombes de leurs morts. Mais c’est honteux de vouloir penser qu’à la Toussaint, les p’tits vieux vont acheter autre chose que des chrysanthèmes ou des fleurs en pompons ! On prend vraiment les consommateurs pour des idiots dans ce long-métrage !
Alors, revenons-en à Fred et Madame Vernet, puisque c’est manifestement une volonté du réalisateur. Le film parle d’exclusion. Ça tombe bien, Fred est en froid avec ses parents et ne connaît donc pas le rapport à la parentalité. Madame Vernet, de son côté, a hérité d’un monstrueux domaine mais n’a rien fait d’autre qu’y consacrer sa vie entière. Alors ? Alors ils étaient faits pour se rencontrer ! Faits pour reconnaître l’un en l’autre ce qu’ils n’ont pas eu, faits pour se transformer l’un l’autre en quelque chose de meilleur et de profondément humain. Le film n’aura jamais réussi à interpréter cette relation de manière plus intelligente. Au contraire, on voyait arriver ce pitch gros comme une maison. C’est laid et ça veut faire parler juste pour la forme.
Et puis le grand final, c’est Madame Frot qui, faisant acte de maïeutique, fait prendre conscience à Fred qu’il a un don en tant que “nez” (ou créateur de parfum si tu préfères). Non mais Catherine Frot ? Tu fais sentir 3 odeurs à ce gamin et ça en fait un surdoué olfactif ? Après exclue sociale, je déclare donc officiellement que je suis moi aussi « nez » parce que je sais différencier l’odeur du cacao Nesquik de celle de l’ail.

En réalité, la vie ce n’est pas aussi simple et rose. Je trouve plutôt sain en général d’être plein de bonnes intentions en visant le mieux-être des autres, la coopération et l’échange. Mais encore faut-il savoir le retranscrire à l’écran de manière réaliste et sans vendre de rêve. La Fine fleur a facilement échoué. Et puis dès lundi, c’est décidé, j’annoncerai à ma collègue qu’elle a des goûts cinématographiques déplorables. Je lui conseillerai plutôt A plein temps et le thème des freins périphériques à l’emploi.