Réalisateur : Valdimar Jóhannsson
Scénariste : Valdimar Jóhannsson
Actrices et acteurs principaux : Noomi Rapace, Hilmir Snær Guðnason
Le nom de mon chat : Aglaë
Date de sortie : 29 décembre 2021
Où le voir : en salle
Synopsis officiel : María et Ingvar vivent reclus avec leur troupeau de moutons dans une ferme en Islande. Lorsqu’ils découvrent un mystérieux nouveau-né, ils décident de le garder et de l’élever comme leur enfant. Cette nouvelle perspective apporte beaucoup de bonheur au couple, mais la nature leur réserve une dernière surprise…
Pour certains, les contes de fées ressemblent à du Disney ; pour moi, s’il n’y a pas quelques trucs glauques, j’ai du mal à m’imaginer. Alors que j’imagine très bien Lamb, va savoir pourquoi..
C’est en 2018, lors d’une expédition visant à étudier les techniques d’atterrissage des macareux moines, que j’ai pu visiter l’Islande.
(Pour les spécialistes, vous en serez d’ailleurs rapidement arrivés comme moi à la conclusion que cette technique en question peut être renommée « vautrage »).
C’est sans doute pour prolonger le plaisir du voyage que j’ai eu envie de dénicher et visionner un film islandais (accessoirement le dernier film islandais dont je me souviens c’était Dancer in the dark, et c’était il y a plus de vingt ans tout de même).
Lamb parle d’une ferme pleine de charmants animaux et de ce pays merveilleux qu’est l’Islande. Mais Lamb parle aussi d’un brave couple d’agriculteurs qui s’aiment mais n’arrivent pas à avoir d’enfant.
Lamb, ou mon silence de l’agneau, n’est ni un film d’horreur, ni un drame social ou même psychologique comme l’annoncent certains. Non, Lamb, au contraire, c’est quasiment un conte de fées.

J’ai aimé ce film d’abord par son ambiance. L’Islande est utilisée ici dans sa dimension mystique, celle des petits lutins et des fées. Ne t’attend cependant pas à en voir débarquer une centaine tels des Schtroumpfs venus construire des maisons-champignons
Mais rien qu’en utilisant des décors naturels, une ferme paumée, quelques animaux et quatre personnages, t’as déjà une histoire qui sent le fantastique à plein nez. Trop fort !
Si tu es toujours là cependant et que tu aimes l’air pur autant que les ambiances mornes des catacombes, tu remarqueras que chez Maria et Ingvar ce n’est pas la joie pour autant.
Une fois le tour du propriétaire fait, tu as noté comme moi ce silence de mort… Et ces couleurs aussi (ou comment aborder le monochrome à travers le gris : le gris béton, le gris basalte, le gris bleu, le gris beige, le grille-pain…).
En fait Maria et Ingvar sont des gens tout à fait normaux, mais en s’immergeant davantage, reconnaissons-le, un vide abyssal existe dans la vie de ce couple, au demeurant fort sympathique. Pourquoi n’y a-t-il pas d’enfants dans cette ferme ?
Et c’est là qu’opère la magie, la magie du cinéma certes, mais aussi celle des vrais contes de fées.
Un beau jour, vaquant à leurs occupations habituelles et passionnantes (nourrir les animaux, sortir les animaux, mettre au monde des animaux…), Maria et Ingvar découvrent un nourrisson dans la bergerie.
Après un nombre incalculable d’années à avoir vécu une vie – mention “film muet”, option “dépression chronique”- les deux personnages partagent juste par le regard, une émotion forte et profonde qui laisse présager un changement majeur dans leur vie et le film.
A mon grand étonnement, c’est à cet instant que je me suis vue retenir mon souffle, écarquiller les yeux et tenter de comprendre. Car là devant eux, un petit agneau tout neuf les interpelle et fait directement appel à leur fibre parentale tant refoulée.
Ce moment de découverte est le leur, comme un miracle qu’ils ont espéré toute leur vie.
On reste d’ailleurs spectateur (Ben oui c’est fait exprès).
Moi à ce moment- là, je mourrais juste d’envie de savoir ce qu’ils voyaient vraiment (suspense…)
Évidemment, ils sont tellement en manque d’enfant que, face à cette petiote (oui c’est une fille) arrivée là toute seule, sans un poil sur le caillou, sans défense et sans même un skyr, ils vont faire un truc pas banal : prendre sous leur aile le nourrisson et s’en occuper comme s’il était le leur (mais ça tu l’auras deviné)
Mais alors que toute la ferme est à présent en mode “Happy days”, l’arrivée de Petur, frère de Ingvar, sympa à ses heures mais pas non plus super fin dans ses réflexions, fait finalement surgir et se confronter le couple aux questions à propos de cette adoption fortuite. A ce stade, Petur c’est le méchant du film, celui qui vient te casser les bonbons alors que tout le monde est content et joyeux à la ferme du bonheur. Il tente de convaincre les parents que la petite Ada n’a pas sa place avec eux (Ouh le vilain tonton !)
Et pourtant ! Face aux interrogations du frangin, et même des tiennes, ô grand spectateur, les parents crient haut et fort que cette petite c’est une bénédiction pour eux (tant qu’à faire) !

Arrivé à ce passage du film, peut- être as- tu définitivement décidé de laisser parler le bisounours qui est en toi et ne vois toujours pas où est le problème de cette adoption impromptue (je vais bien tout va bien, je suis gaie tout me plaît).
Ou alors, et quand même, tu te dis que tu es trop rationnel pour ce genre de truc et que plus jamais tu ne regarderas un film islandais (n’importe quel film islandais d’ailleurs, c’est plus sûr).
Personnellement, j’ai préféré me laisser hypnotiser et porter par l’histoire, d’abord parce que mon coeur s’était arrêté à la minute où les protagonistes étaient devenus parents du petit machin qui allait leur causer bien des mésaventures, ensuite parce que j’aime bien les tripes d’agneau en gelée.
Ce faisant, Marie et Ingvar abolissent la frontière entre animal et humain. Leur unique réponse face à cette enfant et aux incriminations du frangin est leur affection inconditionnelle. Car comme dans les contes, c’est bien entendu l’Amour (un peu naïf et gnan gnan) qui est la réponse à tous les maux.
Plus proche de nous, il peut aussi être question de tolérance (Ou pour être plus explicite : jusqu’à quel point être miraud quand on veut vraiment devenir parents ?)
Le film atteint son apogée fantastique dans la dernière partie, en même temps qu’il offre au spectateur une alternative à ce conte de fées décidément trop beau pour durer.
Très loin des films d’horreur traditionnels, Lamb me fait indéniablement penser aux contes de Grimm ou d’Andersen, ceux- là même que me lisait ma maman quand j’étais petite. On retrouve la tambouille classique des contes en faisant s’entremêler pays fantastique, être surnaturel, un gentil couple de paysans, un méchant et une fin où ils étaient déjà mariés de toute façon et eurent tout de même des enfants (morts ou pas vraiment humains on s’en fout).
C’est donc un conte certes glauque et un peu frappé mais un conte quand même qui, comme d’autres avant lui, amène une sorte de morale et une réflexion sur ce monde.
Finalement, Lamb est- il un film pour toi ? Oui, à condition de ne pas être agoraphobe, zoophobe ou antispéciste. A défaut, rappelle-toi que ce n’est qu’un film et comme le dit un de mes amis « be aware ».