Réalisateur : Ryan Murphy
Scénariste : Jennifer Salt (d’après le livre du même nom d’Elizabeth Gilbert)
Actrice et acteurs principaux : Julia Roberts, Richard Jenkins, Javier Bardem et James Franco
L’endroit où je me trouve en écrivant ces lignes : la gare de York
Date de sortie : 22 septembre 2010
Où le voir : VOD, support physique, Netflix
Synopsis officiel : Après un divorce difficile, Liz Gilbert décide de prendre une année sabbatique et de changer de vie. Elle entame alors un périple initiatique qui va l’emmener au bout du monde et d’elle-même. Lors d’un voyage aussi exotique que merveilleux, elle retrouve l’appétit de vivre et le plaisir de manger en Italie, le pouvoir de la prière et de l’esprit en Inde, et de façon tout à fait inattendue, elle trouvera la paix intérieure et l’amour à Bali.

Mange, Prie, Aime, c’est 2h25 de film où Julia Roberts nous balance ses problèmes et sa richesse à la tronche.

Récemment, je ne savais pas trop quoi regarder, et puis, en voyant le trailer du nouveau film avec Julia Roberts et George Clooney, j’ai repensé à Mange, Prie, Aime. Autant sur le bouquin que sur la version cinéma, je n’avais entendu que des avis positifs. Tout le monde parlait d’une histoire inspirante et j’avais moi aussi envie d’être inspirée. C’est comme ça que j’ai décidé de me lancer dans l’aventure.

Julia Roberts (qui joue Elizabeth) est en quête de réponse sur sa vie amoureuse dont elle se sent prisonnière. Mais clairement pas comme le commun des mortels, plutôt que de faire une thérapie conjugale, elle préfère se rendre à Bali pour discuter avec un marabout appelé Ketut. Ce dernier lui lit les lignes de la main et lui annonce que : (1) c’est une voyageuse, (2) elle a beaucoup d’amis, (3) elle va vivre un mariage long et un mariage court, (4) elle va perdre tout son argent dans les prochains mois, mais le récupèrera par la suite, (5) elle va venir revoir Ketut.

Déjà, pour moi qui ne crois pas en ce genre de choses, ça part mal… Mais je décide de garder l’esprit ouvert, car que l’on croit ou pas au destin, entendre des prophéties sur notre avenir peut engendrer un déclic. C’est finalement ce qu’il se passe pour Elizabeth qui décide de briser son mariage pour se sortir d’une vie dont elle se sent prisonnière.

Sur la voie de la liberté, elle se trouve un nouveau petit copain, avant de réaliser que sa vie n’est toujours pas épanouissante et qu’elle aspire à autre chose, même si elle ne sait pas encore quoi.

'Regarde, Crossovor vient de sortir un nouvel article.' - ©Columbia Pictures

Dans sa quête de se (re)trouver elle-même, elle décide de réaliser plusieurs de ses rêves en se rendant dans trois contrées différentes : Italie, Inde, Bali. L’idée est de laisser tout derrière elle pendant une année; le temps de vivre une expérience unique loin du ‘métro-boulot-dodo’. Très clairement, à ce moment du film, je commence à ressentir le besoin de faire la même chose.

Italie – ‘Mange’

Une fois arrivée, la New-Yorkaise apprend l’italien très rapidement, rencontre des gens très sympas qui deviennent vite des amis fidèles, et surtout se fait très clairement plaisir au niveau culinaire : entre pizzas, pâtes, et autres plats qui ont l’air délicieux, il y aurait comme du laisser-aller ! Mais Elizabeth explique à sa meilleure amie qu’elle en a marre de compter les calories, et que son intention n’est pas de devenir obèse, mais elle ne veut pas culpabiliser ou se priver pour autant. Alors, j’adore la mentalité et la promotion du positive body, mais clairement tout le monde n’a pas le même métabolisme. Si je fais la même chose pendant des mois ce n’est pas une seule taille en plus que je prends, mais bien plusieurs. Et qu’on l’admette, malgré les beaux discours du personnage de Julia Roberts, les diktats de beauté sont encore bien présents dans notre société, et la mode est aux abdos, pas à la brioche. Tant mieux pour elle si elle peut s’empiffrer et seulement passer du 36 au 38 tout en restant bien dans sa peau… Moi je vais continuer à me priver pour retrouver les abdos que j’avais quand j’étais ado. Tu sens ma jalousie monter ?

Et ce n’est pas fini… Qui peut se permettre de partir des mois en Italie et de manger au resto à peu près tous les jours ? Pas moi.

Pendant qu’Elizabeth s’éclate en Italie, je décide de mettre le film sur pause et de regarder le prix des avions et auberges de jeunesse pour la Californie ; histoire de m’échapper, moi aussi, de ma maison dans laquelle tu peux trouver mes collocs égocentrés et allergiques au ménage. Mais vu les prix et l’impossibilité d’obtenir un visa de travail, je me ravise et continue de regarder Mange, Prie, Aime.

'Julia, tu peux faire genre tu réfléchis ?' - ©Columbia Pictures

Inde – ‘Prie’

Non sans difficulté, Julia Roberts quitte ses amis pour continuer son voyage et se retrouver elle-même. Loin des tumultes de la vie romaine, il s’agit cette fois d’une retraite spirituelle dans laquelle elle découvre la médiation. Pas facile au début, parce qu’à chaque fois qu’elle médite, la seule chose à laquelle elle pense c’est se créer une pièce uniquement dédiée à la médiation dans sa maison… Oui, la fille est bien bien riche.

Au cours de son séjour, elle se lie d’amitié avec une jeune indienne de 17 ans. Problème, cette jeune fille est contrainte de se marier. J’ai bien écrit « problème », mais ça n’a pas l’air de choquer plus que ça le personnage de Julia Roberts… Ok, je peux comprendre que – dans une certaine mesure – elle respecte juste les coutumes locales, mais quand ton amie vient te voir pour t’annoncer que ce n’est pas ce qu’elle veut et qu’elle a peur, et que tout ce que tu fais c’est lui faire un câlin, lui dire que tu vas prier pour elle et l’imaginer heureuse, on ne peut pas dire que tu sois une très bonne amie… Mais passons. Maintenant qu’Elizabeth sait méditer, elle peut se rendre à Bali.

Bali – ‘Aime’ 

Elle rend à nouveau visite à Ketut qui lui dit que l’étape finale est de trouver un équilibre entre méditation et plaisirs extérieurs. Logée dans un resort absolument magnifique, elle continue donc son travail sur elle-même. Très chanceuse, elle trouve l’amour (même si ce n’est pas toujours facile avec les insécurités de chacun) et se lie d’amitié avec une mère et sa fille qui rêvent d’avoir leur propre maison. Comme Elizabeth est sympa, pour son anniversaire, elle lance une collecte auprès de tous ses amis et récolte suffisamment d’argent (18 000 dollars, si mes souvenirs sont bons) pour leur permettre d’avoir leur maison.

Donc la jeune fille indienne mariée de force n’aura pas d’aide, mais par contre Elizabeth est capable de récolter des milliers de dollars pour aider ses amis de Bali. Du favoritisme qui n’a aucun sens et qui rend une nouvelle fois le personnage de Julia Roberts assez détestable… A moins que ce soit à nouveau ma jalousie grandissante qui s’exprime…

'J'ai vu ton film, et je l'ai trouvé nul.' - ©Columbia Pictures

Quoi qu’il en soit,  Elizabeth reste une personne privilégiée à bien des égards et représente le stéréotype de la femme blanche riche qui peut se permettre de tout plaquer et de voyager des mois tout en profitant de la vie sans presque grossir ou se ruiner. Que rêver de mieux ? Pas grand-chose… 

Or, nous, les messieurs et mesdames tout le monde, nous ne pouvons nous permettre une telle aventure; et en tout cas pas avec les mêmes facilités. Pourtant qui n’a jamais rêvé de dire merde à tout pour se reconnecter avec son moi intérieur. Je parie n’importe qui lisant cet article… Et si le personnage de Julia Roberts reste courageuse – dans le sens où elle s’extirpe de sa vie toute tracée et de sa zone de confort – il n’en reste pas moins que son son courage est certainement facilité par l’argent de son compte en banque. Si elle veut vraiment rentrer, elle prend un billet de retour de dernière minute très cher et retrouve sa vie sans trop de problème. Pour quelqu’un de plus lambda, ce genre de voyage reste le projet d’une vie, celui auquel on réfléchit mûrement avant d’y investir toutes ses économies. Et c’est finalement tout ce que le film nous rappelle : si Mange, Prie, Aime est censé être inspirant, il me rappelle surtout que notre système capitaliste est bien injuste. Un peu dommage pour une histoire qui tente de prôner le retour à l’essentiel… Ce retour à l’essentiel semble un luxe que tout le monde ne peut malheureusement pas s’offrir. Pour s’extirper un temps du système capitaliste, il faut donc… de l’argent*. Un comble !

 * ou un courage de dingue

Remarque : L’ironie de cet article réside dans le fait que j’ai bien conscience d’être, moi aussi, privilégiée : je jouis de la sécurité sociale, je mange à ma faim, je ne vie pas sous les bombes, je sors souvent, je vais au cinéma toutes les semaines, je peux aimer qui je veux, je peux porter ce que je veux et j’ai l’occasion de voyager relativement régulièrement. Et pourtant, rien de tout cela ne m’empêche de jalouser Elizabeth… Bienvenue dans notre monde où nous sommes formatés pour être toujours plus avides. Si ma vie en ferait rêver plus d’un, on connaît bien l’expression : ‘trop n’est jamais assez’. Mange, Prie, Aime me rappelle que je veux plus, même si je sais que c’est mal.

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