Réalisateur : Cédric Jimenez
Scénariste : Olivier Demangel
Actrices et acteurs principaux : Lyna Khoudri, Anaïs Demoustier, Jean Dujardin, Sandrine Kiberlain, Jérémie Renier
Mon monument parisien préféré : La tour Eiffel
Date de sortie : 5 octobre 2022
Où le voir : Cinéma
Synopsis officiel : Une plongée au cœur de l’Anti-Terrorisme pendant les 5 jours d’enquête qui ont suivi les attentats du 13 novembre.
Il arrive souvent que l’on soit surpris par des films parce que ceux-ci ne correspondent pas à l’idée que l’on s’était fait d’eux. Cela se produit notamment lorsque les affiches et/ou bandes-annonces sont infidèles au récit. Novembre nous trompe et se trompe de sujet. Analyse.

L’affiche se veut sobre avec (presque) seulement deux éléments visuels : le titre et un policier, que l’arrière-plan blanchâtre vient parfaitement mettre en avant.
Le titre en noir, en majuscule et en police impact dénote une volonté d’être simple et percutant. Il n’y a d’ailleurs pas besoin d’expliciter le choix du titre « Novembre » fait écho d’office, dans toutes les têtes, à novembre 2015 ; la nuit du 13.
Côté personnage, c’est celui de Jean Dujardin qui est retenu pour apparaître sur l’affiche officielle. De profil, avec un gilet par balles et son arme de service, il regarde en face de lui avec un ton sérieux. Il sait que l’heure est grave et qu’il faut être à la hauteur de la tâche qui lui incombe : celle de traquer les terroristes qui ont meurtri la France en tuant ses concitoyens. Habillé de bleu, il représente à lui seul la cellule antiterroriste française et les diverses brigades policières.
En regardant l’affiche, on se dit que le film abordera les événements du 13 novembre par le prisme des policiers, et Jean Dujardin en sera le héros principal.
Dans la première partie de la bande-annonce, les téléphones sonnent de partout à la cellule anti-terroriste. On sait que quelque chose de terrible vient de se produire. Deux hauts gradés de la sous-direction anti-terroriste (Jean Dujardin et Sandrine Kiberlain) sont appelés immédiatement, et de façon frénétique chaque employé.e recoupe la moindre information, alors que les attaques se poursuivent au Bataclan. En parallèle, Jean Dujardin tente de motiver les troupes et demande à chacun de mettre de côté ses émotions.
Dans la seconde partie, la traque commence et les interrogatoires, interventions et interpellations s’enchaînent sans que les spectateurs n’aient le temps de respirer.
En résumé : le choc et l’émotion laissent très rapidement place à une action coup de poing.
Et si l’on s’imagine alors que Novembre nous proposera un récit détaillé de la nuit du 13, il n’en est rien… Le film balaie en quelques minutes (5-10 minutes ?) les attaques en elles-mêmes pour se focaliser sur la traque des terroristes (qui sera aussi intensive et sans répit que la bande-annonce le promet).
Côté personnages, si Jean Dujardin est le seul présenté physiquement sur l’affiche, la bande-annonce nous montre tous les noms présents sur le poster officiel (Jean Dujardin, Anaïs Demoustier, Sandrine Kiberlain, Jérémie Renier) sauf Lyna Khoudri. Jean Dujardin n’est finalement pas le seul flic de France et il a bien besoin de toute une équipe pour mener aux mieux les recherches. Ainsi, le choix de ne présenter sur l’affiche qu’un homme de la cinquantaine blanc est très discutable… Serait-ce dû au fait que les scénaristes et réalisateurs soient des hommes blancs aveuglés par leurs propres biais ? Ou s’agirait-il simplement d’une stratégie marketing ? Car, certes, c’est notre Jean Dujardin national qui est à la tête de la cellule anti-terroriste et nul doute que les distributeurs avaient tout intérêt à le mettre en avant pour attirer les foules. Néanmoins, son temps d’écran n’est pas plus important que celui d’Anaïs Demoustier, ou encore que celui de Lyna Khoudri (à moins que ce ne soit que mon sentiment personnel ?).
Et parlons justement de cette dernière qui n’apparaît absolument pas dans la bande-annonce alors qu’elle est un des personnages les plus centraux de l’histoire, si ce n’est le personnage central. C’est son témoignage et son aide directement auprès des policiers (au péril de sa vie) qui ont permis de retrouver les terroristes. L’héroïne de Novembre, c’est elle.
Or personne à la production ne semble s’en rendre compte à en croire son absence sur l’affiche, la bande-annonce ou encore le synopsis : « Une plongée au cœur de l’Anti-Terrorisme pendant les 5 jours d’enquête qui ont suivi les attentats du 13 novembre. » (à noter qu’on la voit cependant dans le teaser ; une bien maigre consolation)

Le scénariste, Olivier Demangel, et le réalisateur Cédric Jimenez ont décidé : leur film se concentrera sur les enquêteurs et c’est tout. Mais à force de se mentir à eux-mêmes (et de tenter de nous mentir à travers le contenu promotionnel), ils ne prouvent qu’une seule chose : Novembre peine à avoir un point de focal.
Olivier Demangel ne parvient pas à approfondir ses personnages et rend ainsi le moindre acteur et la moindre actrice interchangeable (Jean Dujardin ou un autre ça aurait été la même chose).
Pour autant, le film n’est pas ennuyant puisque Cédric Jimenez nous bombarde de scènes d’action. De ce point de vue, la bande-annonce n’avait pas menti. La fusillade impressionnante de l’opération policière du 18 novembre 2015 à Saint-Denis est même mise en scène, mais sa portée est très limitée. Mediapart avait écrit un article dénonçant « une manipulation des médias visant à faire passer une opération mal menée pour un franc succès ». En s’appuyant sur des documents officiels, les journalistes étaient arrivés à la conclusion que seulement 11 balles avaient été tirées par les terroristes contre 1536 pour le raid. L’article explique que « la plupart des coups de feu essuyés par les policiers » auraient été « le fait de leurs propres collègues »
Or, Novembre préfère mettre ça sous le tapis et se pare d’un patriotisme (nationalisme ?). Deux camps s’affrontent : le bien et le mal. De ce point de vue aussi, l’affiche et la bande-annonce ne mentaient pas.
Coincée entre action et patriotisme notre héroïne principale semble gêner, d’où sa quasi-absence du contenu promotionnel. N’ayant que le personnage d’Anaïs Demoustier pour pleurer sur son sort, le film survole les injustices qu’elle a subies (soupçons et garde à vue) pour aboutir sur un bandeau très réducteur de son parcours, indiquant que son courage a permis de changer les lois.
Bien que puissant et efficace, Novembre s’obstine à proposer une vision manichéenne des gentils d’un côté et des méchants de l’autre, s’empêchant alors tout développement profond de ses personnages ; un choix qui semble être assumé au regard de l’affiche et de la bande-annonce. Le film de Cédric Jimenez crée sa propre réalité et décide de négliger ouvertement celle de Sonia pour un rendu décevant. Est-ce que Novembre se trompe ? Est-ce que Novembre nous trompe ? Même une bonne fiction peut s’inventer une fausse réalité.