En 2009, Natalie Portman déclarait que le 1er AD (assistant réalisateur) est indispensable à la production d’un film, contrairement au réalisateur. Elle a raison et je t’explique pourquoi.

C’est au cours d’une discussion organisée par indieWIRE et Apple que l’ancienne actrice de Star Wars exposait son point de vue : 

« Presque tout le monde est indispensable sur un film […] Sans un bon 1er assistant réalisateur, votre film tombe en pièces. Et ce sont ces personnes qui ne sont jamais, jamais, jamais interviewées. Pourtant ce sont elles qui font le film. J’ai l’impression qu’un tournage peut mieux se passer avec un bon 1er AD (ndlr : assistant director en anglais) et pas de réalisateur, qu’avec un bon réalisateur et pas de 1er AD. »

Moi petit 'floor funner', dans le département 'assistants director'

Qui suis-je pour dire que Natalie Portman a raison ou tort ? Dans le monde anglophone (puisque j’habite en Angleterre) je suis un ce qu’on appelle un ‘Floor Runner’ et j’aide les assistants director (les AD, que l’on traduit par assistants réalisateur). Je suis en quelque sorte le stagiaire de l’équipe, à la différence près que c’est un travail à part entière pour débuter dans l’industrie audiovisuelle, ce qui veut dire que l’on est payé normalement.

Du bas de l’échelle au haut de l’échelle tu as dans l’équipe Assistants Réalisateur :

  • Le Floor Runner / Base Runner
  • Le 3ème AD
  • Le 2ème AD
  • Le 1er AD

Et chacun a un rôle bien précis :

  • Le Floor Runner assiste directement le 3ème AD et le 1er AD sur le plateau de tournage. Cela inclut être en charge des talkies-walkies, mais également faire le thé et le café pour son équipe et le casting, et, en règle générale, garder un œil sur les acteurs.trices pour faire en sorte qu’ils ne manquent de rien.
  • Le Base Runner est celui ou celle qui assiste le 2ème AD à la base (QG), là où se trouvent notamment les caravanes des têtes et non-têtes d’affiche.
  • Le 3ème AD est le bras droit du 1er AD sur le plateau de tournage. Il est notamment en charge des figurants.
  • Le 2ème AD travaille depuis la base pour gérer particulièrement la paperasse, les plannings, et s’assurer du transport en temps et en heure des stars et figurants du film.
  • Le 1er AD est là pour superviser tout ce petit monde et coordonner tout ce qu’il se passe sur le plateau de tournage.
On peut faire un film sans réalisateur mais pas sans assistant réalisateur.
"Et là je lui ai dit : 'George, tu sers à rien'" - ©Lucasfilm

En bref l’équipe des assistants réalisateur s’occupe du planning du film, de l’organisation du tournage et gère les actrices/acteurs, mais aussi les figurants.

Tu l’auras compris, le 1er AD n’est pas l’assistant personnel du réalisateur. Et si ce métier était, il y a quelques décennies, une étape cruciale pour devenir réalisateur, ce n’est plus le cas aujourd’hui : ce n’est pas parce qu’on est 1er AD que l’on deviendra (ou que l’on veut devenir) réalisateur, car ce sont deux métiers bien différents.

Le 1er assistant réalisateur est un vrai chef d’orchestre

Le 1er AD est donc chef de son département et coordonne le travail avec tous les autres départements parmi lesquels on compte celui du maquillage/coiffure, des costumes, de la photographie (caméra), de la lumière, ou encore du son.

En pré-production, et donc avant le tournage, c’est le 1er AD (en accord avec l’équipe de production et le réalisateur) qui décide dans quel ordre les scènes vont être tournées, quel jour et combien de temps cela doit prendre. Et il y a plein de facteurs qui entrent en jeu : le coût, le lieu de tournage, le planning des acteurs, le temps nécessaire aux équipes techniques de tout mettre en place, et aux équipes maquillage et costumes de préparer celles et ceux qui donnent vie au personnage.

Le 1er AD doit donc collaborer avec presque tout le monde pour organiser la production et, quand vient le moment de tourner, il doit veiller à ce que le planning soit respecté pour des questions de coût, mais aussi de sécurité des équipes. Sur un plateau, c’est lui le responsable et il doit faire face aux humeurs de chacun et trouver le bon équilibre entre liberté artistique et respect du planning (pour éviter tout mécontentement ou épuisement). Cela veut parfois dire canaliser la créativité et les désirs des réalisateurs…

Mais ses responsabilités ne s’arrêtent pas là, car le 1er AD est également en charge de faire en sorte que tout soit parfait avant de crier « Action ! ». Cela veut par exemple dire qu’il doit s’assurer que les départements maquillage et costume savent que l’on s’apprête à filmer un gros plan sur Bryan Cranston et qu’il faut donc que son aspect physique soit le même que sur le plan large tourné précédemment.

Bref, un vrai chef d’orchestre ce 1er AD ! (ou gendarme selon les points de vue…)

On peut faire un film sans réalisateur mais pas sans assistant réalisateur.
1er AD = synonyme de gendarme, chef d'orchestre ou encore de super héros - ©Disney

Si ce dernier fait correctement son travail, les seules préoccupations du réalisateur sont de diriger ses acteurs et de collaborer avec le chef du département caméra (qui n’est autre que le directeur de la photographie).

Tu l’auras compris, si tu enlèves le 1er AD le tournage tourne au chaos… Par contre, si tu enlèves le réalisateur, le film est encore faisable. C’est pour cela que Natalie Portman a raison de souligner qu’un assistant réalisateur est plus indispensable qu’un réalisateur, qui récoltera pourtant tous les lauriers…

Un manque de reconnaissance

Cela ne veut pas dire que les productions doivent se passer des réalisateurs, car ceux-ci prennent les décisions artistiques majeures qui donnent au film une identité propre.

Néanmoins, le 1er assistant réalisateur est vraiment au cœur du process logistique, accomplissant un travail colossal et parfois des miracles. Loin des paillettes et des tapis rouges, les journées de tournage sont très très longues et l’équipe des assistants réalisateurs est la première arrivée et dernière partie. Il faut compter en moyenne 11 à 13h de travail par jour, avec à la clé un manque cruel de reconnaissance.

Si un film devient un chef-d’œuvre, c’est parce que le réalisateur a pu accomplir sa vision. Et s’il a pu le faire, c’est parce que chaque département a produit son meilleur travail sous la direction du 1er AD.

C’est certainement pour cela, qu’à défaut d’être invité à la cérémonie la plus prisée du cinéma, un 1er AD reçoit un Oscar miniature si le réalisateur qu’il a assisté remporte le prix du meilleur réalisateur. Une bien maigre récompense si tu veux mon avis… D’autant plus que de 1933 à 1937, il existait un Oscar à part entière pour sacrer le meilleur assistant réalisateur.

Décerner à nouveau un tel prix chaque année n’est pas forcément une solution viable, car il est difficile de trouver des critères objectifs permettant d’évaluer le travail d’un assistant réalisateur. Il faudrait presque que chacun des membres de l’équipe et du casting remplisse un questionnaire de satisfaction et de notation se basant sur des éléments bien précis, ce qui semble inconcevable à mettre en place à une très grande échelle… Or, il serait grand temps de faire mieux connaître ce rôle de l’ombre indispensable à la réalisation d’un film. Et pourquoi pas remettre chaque année à un 1er AD une récompense d’honneur pour l’accomplissement d’une vie.

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