Réalisateur : Matt Reeves
Scénaristes : Matt Reeves, Peter Graig
Actrices et acteurs principaux : Robert Pattinson, Zoë Kravitz, Paul Dano, Jeffrey Wright, Colin Farrell
Mon Batman préféré : Ben Affleck
Date de sortie : 02 mars 2022
Où le voir : au cinéma
Synopsis officiel : Deux années à arpenter les rues en tant que Batman et à insuffler la peur chez les criminels ont mené Bruce Wayne au coeur des ténèbres de Gotham City. Avec seulement quelques alliés de confiance – Alfred Pennyworth, le lieutenant James Gordon – parmi le réseau corrompu de fonctionnaires et de personnalités de la ville, le justicier solitaire s’est imposé comme la seule incarnation de la vengeance parmi ses concitoyens. Lorsqu’un tueur s’en prend à l’élite de Gotham par une série de machinations sadiques, une piste d’indices cryptiques envoie le plus grand détective du monde sur une enquête dans la pègre, où il rencontre des personnages tels que Selina Kyle, alias Catwoman, Oswald Cobblepot, alias le Pingouin, Carmine Falcone et Edward Nashton, alias l’Homme-Mystère. Alors que les preuves s’accumulent et que l’ampleur des plans du coupable devient clair, Batman doit forger de nouvelles relations, démasquer le coupable et rétablir un semblant de justice au milieu de l’abus de pouvoir et de corruption sévissant à Gotham City depuis longtemps.
Après deux visionnages du film de Matt Reeves, une chose m'a particulièrement frappé : c'est la place prépondérante du regard dans la manière de raconter son Chevalier Noir et The Batman en général. Analyse.
Dans les yeux d’un personnage encore inconnu, on observe l’intérieur d’un immeuble afin d’y localiser ses occupants ainsi qu’un moyen d’entrer. The Batman débute en vue subjective. S’ensuit une scène où, dans la pénombre, le Riddler se cache derrière sa victime et la suit du regard, sans un mot. Et soudain, il frappe !
Loin de faire le choix du plan large, de la vue aérienne ou toute autre technique de mise en scène classique pour débuter son film, Matt Reeves choisit de rentrer directement dans le vif du sujet en focalisant notre attention sur le Riddler. Un méchant dont le corps est recouvert entièrement d’une combinaison hermétique, à une exception : ses yeux surmontés de lunettes. Par sa mise en scène et le costume, le réalisateur nous résume déjà ce qu’on apprendra par la suite du personnage : il est celui qui sait car il est celui qui voit.
Tout au long du film, le Riddler observe ; tapi dans l’ombre d’une église ou dans une voiture, désireux de montrer aux yeux de tous la vérité sur Gotham, tout en restant camouflé dans les ténèbres. Mais l’énigmatique criminel cherche la lumière. Il se filme, se met en scène, souhaite qu’on le reconnaisse et ce n’est qu’une fois à visage découvert qu’il semble trouver la félicité. On sait désormais que c’est lui, il a été vu, l’orphelin vient enfin de quitter l’anonymat que fût sa vie. Sauf qu’à présent, le voilà aveuglé par sa propre lumière. Une fois tous les yeux braqués sur lui, lui ne regarde plus ; désormais incapable de déceler Bruce Wayne sous le masque.

Sa punition ne viendra alors pas de son arrestation, mais de la promesse d’un justicier de supprimer toute publicité autour de ses actes, de le renvoyer à ses ténèbres. Si le film s’ouvrait sur son regard, c’est pour nous mener à ce dénouement : le Riddler a peur qu’on ne le regarde plus.
The Batman : une justice aveugle ?
Pour le Chevalier Noir, le schéma est inverse. Loin de désirer la lumière, celle-ci lui fait mal aux yeux, l’obligeant à porter des lunettes de soleil au premier rayon frappant son visage blafard. L’obscurité est sa meilleure arme, le dissimulant à ses ennemis qui pensent le voir là où il n’est pas. Pour lui aussi, le métrage le dessine par le regard. Dans celui d’une bande de voyous d’abord, dans celui des policiers ensuite.
Beaucoup plus mutique que ses prédécesseurs, Robert Pattinson se démarque par l’expressivité de ses yeux. Défiant un agent lui interdisant le passage, captant un indice du coin de l’oeil ou que sa propre tragédie se reflète dans l’échange visuel avec un jeune garçon endeuillé, l’acteur parvient à exprimer cinquante nuances de Batou en même pas dix minutes.
Est-ce un hasard si le principal outil du justicier est une lentille oculaire d’enregistrement ? Simple gadget ou métaphore de sa vision biaisée du monde qu’il observe au travers le filtre de sa propre colère ? Face au Riddler, Batman est comme la justice corrompue ; il est aveugle. Il commet des erreurs parce qu’il refuse de voir au-delà de sa vengeance, au-delà du masque qui lui camoufle la vue. Une symbolique mise à nu par deux fois et par deux fois, cela concerne non pas Batman, mais Bruce Wayne. Lorsqu’un rétroprojecteur lui dévoile la vérité sur ses parents, ce n’est pas la chauve-souris qui regarde, c’est l’homme. Lorsqu’il ouvre enfin les yeux, Alfred frôle la mort, comme une conséquence de ce nouveau paradigme. De même, face à un Riddler murmurant son identité, son regard s’éteint, conscient qu’il a perdu. Il n’est plus Batman, il n’est plus qu’un jeune homme sans but.

Mais soudain, les rôles s’inversent. Le Riddler perd la vue et le héros la retrouve (formidable interprétation de Pattinson sur cette scène) jusqu’au dénouement où Batman ne fuit plus la lumière, il la crée avec l’aide d’une fusée de détresse. Ce ne sont plus les criminels qui ont peur de sa noirceur vengeresse, ce sont les citoyens de Gotham qui suivent sa lueur d’espoir.
La vision d'une autre vie possible ?
Enfin, il convient de s’arrêter sur la relation entre Batman et Catwoman que, là aussi, Matt Reeves aime personnifier par la vision. Là où la vue subjective servait tantôt au Riddler pour repérer sa proie, les yeux de la chauve-souris suivent le chat dans son appartement. De l’intérêt vient ensuite de la jalousie dès lors que Bat voit à travers les yeux de Cat. Impuissant, ce dernier ne peut qu’observer, tenter de contrôler. Une relation nocive que Selina rompra en enlevant sa lentille et fera renaître en la rallumant.
Néanmoins, les deux sont incompatibles et c’est d’un regard sur son rétroviseur que Bruce verra Selina s’éloigner, comme pour dire adieu à la possibilité d’une autre vie. Jeter un œil en arrière pour ensuite se focaliser sur ce qui se présente devant soi. Ainsi, The Batman se termine comme il a commencé : sur un point de vue ; mais à celui du méchant, s’est succédé celui du héros.