Réalisateur : Taika Waititi
Scénariste : Taika Waititi & Jennifer Kaytin Robinson
Actrices et acteurs principaux : Liam Hemsworth, Natalie Portman, Christian Bale
Mon plat préféré : en tout cas pas la raclette
Date de sortie : 13 juillet 2022
Où le voir : en salle
Synopsis officiel : alors que Thor est en quête de sérénité, sa retraite est interrompue par un tueur galactique connu sous le nom de Gorr, qui s’est donné pour mission d’exterminer tous les dieux. Pour affronter cette menace, Thor demande l’aide de Valkyrie, Korg et de son ex-petite amie Jane Foster, qui, à sa grande surprise, manie inexplicablement son puissant marteau Mjölnir. Ensemble, ils se lancent dans une dangereuse aventure cosmique pour comprendre les motivations qui poussent Gorr à la vengeance et l’arrêter avant qu’il ne soit trop tard.
Thor : love and thunder. On ne pensait pas, Waititi l’a fait
Je pense avoir été dans le bon état d’esprit lorsque je suis allée voir Thor : love and thunder. Là où dans les rangs derrière moi s’agitaient des fans inconditionnels avec 1000 questions et 35000 millions d’hypothèses, je me sentais presque impassible en voulant simplement goûter l’entièreté de l’œuvre sans juger.
Je n’en attendais rien, quel que soit le point de vue. C’est la raison pour laquelle aujourd’hui, je peux dire : c’est surprenant, déroutant, mais complexe à définir. J’avoue aussi être restée confuse à de nombreuses reprises pendant la projection, pas de manière négative, plutôt dans le sens « attend mais c’était quoi ça ?!? ».

Resituons les événements d’abord. Dans Avengers : Endgame, Thor était désabusé. Puissant mais n’en tirant aucune satisfaction, il nous avait alors offert sa plus belle image de beauf, au bide proéminent et qui parfois faisait pitié. Surtout lorsqu’il essaie de nous faire croire que tout va bien.
Dans ce nouvel opus, Thor est toujours cet être attachant, un éternel sentimental qui en fait trop, mais toujours avec naturel et gentillesse. C’est pour ça qu’on lui pardonne son entrée rock ‘n’ roll. Parce que oui, le réalisateur Waititi, déjà appelé pour le Thor : Ragnarok, reprend du service. Et il donne le ton rapidement. Thor semble plus philosophe face aux événements de sa longue vie, notamment sur sa rupture avec Jane Foster. Et c’est pour cela qu’il s’est fixé comme seul objectif de toujours répondre avec panache lorsqu’un conflit éclate aux quatre coins de la galaxie et que son secours est demandé. Adieu la tourmente, bonjour la musculature et les acrobaties. Thor fait désormais tonner et éclater son talent affublé d’un look country-rock en faisant référence à un de mes acteurs fétiches.

L’enfance de l’art
Il n’aura échappé à personne que les catastrophes et sur-accidents présents tout au long de la série Marvel sont toujours envisagés en masse. J’entends et perçois par là des massacres et morts objectivement terribles mais subjectivement sans réel effet sur la spectatrice que je fus. Dans cet opus, et en termes de population, Thor déroge à la règle.
J’ai en effet réalisé que si l’enfance et la famille étaient des thèmes constamment évoqués dans les franchises Marvel, aucun ne prenait réellement le risque jusqu’à maintenant d’isoler un de ces éléments pour en faire un électron libre. Or les « enfants à sauver » sont, paradoxalement, une composante essentielle d’énormément de films de genre. Mais jamais Thor (ou un autre super héros que j’ai pu voir) ne s’était attelé à en faire un paramètre clé. Ici donc, c’est bien un groupe d’enfants qui se retrouve au premier plan. Ils sont l’enjeu, ils sont la cible, ils sont ceux qu’il faut à tout prix sauver du méchant.
Aussi, dans les dialogues, y compris au niveau du personnage de Thor, on retrouve des dialogues étrangement enfantins et empreints d’une grande naïveté. Une naïveté parfois trop grande pour toujours sonner juste dans un film que l’on souhaiterait tout de même arrêter de se faire passer pour trop niais. J’avoue quand même qu’avec déjà deux heures de recul post-film, l’effet me semble désormais plus appréciable et quasi raccord avec l’ensemble de l’œuvre.
L’exploitation de cette naïveté prend tout son sens et va jusqu’au bout de l’idée lorsqu’il est fait mention d’une planète où « il n’y a pas de couleurs ». Alliant l’image à la parole, on découvre alors un endroit où Thor et ses amis débarquent pour sauver les enfants de Gorr, le dieu boucher.
D’ailleurs ce Thor 4 n’est pas un film, il est narré par Korg tel un conte pour enfants au coin du feu. Et comme bon nombre de contes, les mots prononcés sont adaptés à des enfants, et aux grands enfants que nous sommes aussi en tant que spectateurs.

Mais au fait…
Durant l’entièreté du film, mon esprit a basculé entre les différents genres du cinéma, ce même dans ses recoins parfois les plus extrêmes. Comédie romantique ? Oui j’assume l’avoir envisagé. Mais que faire alors de tous ces effets spéciaux ? Ah oui, c’est vrai, nous demeurons tout de même dans le fantastique. Le fantastique d’accord, mais de quelle époque au juste ?
C’est que pour moi et dans cette superproduction résonnent des époques diverses. Celle de notre présent, où vivotent le tourisme de masse et la surconsommation désormais incluses lorsque l’on veut visiter la Nouvelle Asgard. Mais aussi le présent où la femme s’impose pour ce qu’elle est et intervient sur un pied d’égalité avec son alter. Thor : love and thunder est aussi et avant tout la naissance de Mighty Thor (nom original issu des Comics et conservé pour la version française du film), celui que prend désormais Jane Foster lorsqu’elle se transforme et s’adjuge les attributs du Thor originel ; à commencer par l’acquisition et la puissance du marteau Mjölnir.
A moins que la réalisation ne nous ait entraînés encore plus loin, beaucoup plus en arrière, à notre insu: Monsieur Méliès étiez-vous là durant le tournage de cette étrange partie en presque noir et blanc aux trois quarts du film ? Sombre dans son message, elle contient pourtant des visuels grossiers et fantasmagoriques telles que ce que l’on pourrait avoir vu le royaume des fées*. C’était bien votre patte sous ces couches de planète-carton et ombres menaçantes se suffisant à elles seules pour mieux nous imprégner de l’étrange atmosphère dérangeante et triste du lieu où sont pris au piège nos héros ? Je réponds oui, et c’est là toute l’originalité de cet opus qui, dans un même film, conjugue et transpose à des temps différents. Il en reste une impression de magie que je trouve très appréciable.

Stranger things
Dans ce film, je réalise aussi que Taika Waititi est de ma génération, car en voyant Thor : love and Thunder, il y met beaucoup de lui et de ce qui a, sans doute, constitué des années de sa vie et des références qu’il a peut-être jugées incontournables (Pop culture es-tu là). En Thor, Waititi semble se projeter. Thor reste donc pour moi aussi une expérience de la transmission, celle d’une génération avec ses propres codes à une autre, de la même époque, celle en qui je me reconnais en tous les cas, notamment pour les bases visuelles et sonores, bien que je n’adhère pas toujours forcément au scénario et à certains dialogues.
Ces codes m’interpellent et m’ invitent, tantôt à me rappeler le Matrix originel des Wachowski, lorsque Thor ou ses amis évitent grâce à une souplesse hors normes les projectiles ennemis.
Par ailleurs, la fantasmagorique trainée arc-en-ciel provoquée par le bifrost et son accélération bancale et caprine poussent presque le cerveau à se remémorer l’essai technique du Doc et du jeune Marty Mc Fly sur le parking d’un supermarché.
Que dire de l’OST, générée par Gun’s and Roses. C’est simple, en rentrant, je me suis envoyé tous leurs titres dans les oreilles.
Il y a donc bien là quelque chose du retour en arrière, du passé, de l’enfance (décidément) et aussi, peut-être surtout, du subliminal.
Dieux et décadences
C’est dans l’incarnation des personnages que je reste beaucoup plus dubitative. A l’écran, on m’a déroulé une foule de zèbres hauts en couleurs et de sérieuses visions de dieux décadents. Pour commencer, parle-t-on de Zeus ? Allez on en parle. Toi spectateur potentiel, oublie le Russel Crowe de Gladiator, sinon tu pleureras deux fois quand tu le découvriras ici en dieu grec soucieux de la prochaine orgie mais pas du sort des gens.
Idem lors de la scène d’ouverture du film. On nous montre un dieu qui se fiche du peuple qui le prie (« il y en aura d’autres »). Obséquieux, imbu de lui-même, il se moque de son dernier fidèle (Christian Bale) qu’il menace ensuite.
Que dire de Walkyrie (parce que y’a pas que du côté des méchants que ça se passe) qui fredonne en musique, et en même temps que Mighty Thor, au son de sa nouvelle enceinte ?
Alors Monsieur Waititi, je comprends bien le message hein. Oui, on a envie de leur mettre des claques à vos dieux. Ils ne sont plus dans le coup, ils n’ont rien à voir avec ce qu’ils sont dans les légendes et mythes. Mais visuellement, je n’y arrive pas. La scène où Zeus se présente et fait tournoyer sa foudre comme une majorette avec son bâton, c’est carrément insupportable.
Je savais bien sûr que l’approche générale du film inclurait ce genre d’éléments grossiers et comme en décalage avec l’aura surnaturelle que l’on attend généralement des dieux (d’une façon générale), mais, et je pèse mes mots, en ce qui me concerne, Thor : love and thunder, c’est aussi du kitsch et du mauvais goût, de la rallonge inusable et indigeste. Du Trop à l’état pur.

Thor : love and thunder est donc une ode à l’enfance et à la jeunesse :
* les enfances personnelles et parfois douloureuses des héros : Thor assistait déjà aux batailles lorsqu’il était bébé, tandis que Jane Foster a forgé son parcours à partir de la mort de sa mère.
* les jeunes Asgardiens, désormais affranchis de toutes barrières quand ils révèlent leur potentiel, sont en passe de devenir à leur tour des héros
Dès lors, cette jeunesse devient naturellement le futur, élément manquant jusqu’alors dans le film qui participait davantage du présent et du passé, et se révèle pleinement à la fin de la pellicule. Plus encore, Thor : love and thunder se veut une expérience possédant une palette d’ambiances et d’atmosphères visuelles et sonores variées. C’est une réelle expérience à tester et qui emprunte, par ailleurs, à l’ensemble des genres du cinéma.
Thor : love and thunder s’inspire d’un grand nombre de références et styles que je connais. Pourtant, il m’est parfois apparu comme inclassable. Il a cependant eu ce pouvoir d’éveiller en moi des souvenirs quasiment une nuit entière (Il est 23H00 passé, tu sors du ciné, tu es crevée, mais impossible de ne pas vérifier les sources utilisées par le réalisateur, ces mêmes sources qui te font remonter à ton adolescence et te plongent dans une extase de nostalgie), tout comme il a pu me décevoir dans son humour décidément trop balourd et prégnant.
Un mélange de codes passés, présents et futurs donnent ainsi une allure surréaliste au film. Dans 20 ans, et peut-être contrairement aux autres volets, excepté au carbone 14, nous pourrons demander : mais ce film au fait, c’est quand ?