Créateur : Yasuhiro Nightow
Produit par : Madhouse
Un aliment que je déteste : les endives
Année de diffusion :  1988
Où la voir : en support physique ou sur Netflix
Synopsis officiel : Dans un monde post-apocalyptique, Vash The Stampede tente de survivre aux nombreux chasseurs de primes qui ne rêvent que d’une chose : la prime de 60 milliards de »double-dollars » pour sa capture, suite à la destruction d’une ville entière qu’il aurait provoquée. Mais il n’est apparemment pas celui que les gens croient .Ses intentions, pourtant toujours bonnes, semblent être poursuivies par la malchance,et un terrible secret qui pourrait changer la face du monde…

Western futuriste alliant l’action et la comédie, Trigun est un anime qui va bien au-delà de son postulat de base pour nous raconter le combat fraternel entre l’amour et la mort avec, pour enjeu, l’humanité.

Adapté d’un manga de Yasuhiro Nightow, Trigun est diffusé pour la première fois le 1er avril 1998 à la TV japonaise, soit deux jours seulement avant un anime que le temps aura bien mieux consacré, Cowboy Bebop.

Deux séries sœurs, voire jumelles tant elles semblent partager le même développement. Une saison de 26 épisodes chacune, une histoire se déroulant dans un futur qui sent bon la rouille et la poussière, un goût pour le western imbibé d’opéra rock et jazz, des personnages tentant de fuir leur passé…

Et si on omet la popularité, la série de Shin’ichirō Watanabe ayant une large longueur d’avance, il serait bon d’arrêter la comparaison au paragraphe précédent. Loin d’être similaires, les deux frangines peuvent être vues comme complémentaires. Là où Cowboy Bebop brille par son nihilisme, Trigun lui répond en prônant l’humanisme. Spike vit sans aucune valeur morale là où Vash place la sienne au-dessus de tout. Il y a celui qui vit sans avenir, et celui qui ne pense qu’à ça. À bien des égards, Trigun est un anti-Cowboy Bebop. Et c’est ça qui rend cet anime justement très intéressant

Si tu ne veux pas être spoilé sur la série, ne va pas plus loin. Sinon, reste et j’t’explique.

Petite piqûre de rappel : sur une planète désertique où l’humanité a immigré, le nom de Vash The Stampede fait trembler. L’homme est connu pour avoir fait disparaître une ville entière et sa tête est mise à prix. Sauf qu’en réalité, cette fine gâchette est un pacifiste convaincu.

Ça, c’est pour le résumé basique, car on apprend au fil des épisodes que Vash n’est pas humain, qu’il a juré de n’enlever aucune vie il y a plus de cent ans et qu’il a un frère qui veut détruire l’espèce humaine, Knives.

La vasque et le couteau, l’amour et la mort, Eros et Thanatos.

Pendant 26 épisodes, Vash et Knives vont s’affronter, non pas personnellement (du moins avant la fin), mais sur leurs convictions.

Trigun : la lutte existentielle entre Eros et Thanatos
Une bonne tête de hippie @ Dybex

« Personne n’a le droit d’enlever la vie à une autre personne »

L’intrigue se passe au cœur d’une sorte de Conquête de l’Ouest, époque où les ressources sont rares et où on avait tendance à se faire justice soi-même, de sorte que Vash se voit constamment confronté à la haine, au désespoir, à la violence. À chaque épisode, il va être mis face à des actes capables d’ébranler ses choix moraux et chaque cicatrice sur son corps représente la conséquence de son refus de tuer. On peut y voir une filiation directe avec l’image de Jésus qui, subissant la violence des hommes, tendait pourtant l’autre joue.

Néanmoins, notre héros n’est pas un humaniste au sens strict, puisque contrairement à cette doctrine, il ne place pas l’humain au-dessus de tout. C’est davantage un protecteur de la vie en général, peu importe sa forme. Une manière de penser qu’il doit à Rem Saverem, une scientifique écologiste pour qui la vie est présente partout dans l’univers. Amoureux de Rem, Vash épouse sa vision jusqu’à son paroxysme. Si une araignée s’apprête à manger un papillon, Eros tentera dès lors de sauver les deux.

Il a les yeux de la même couleur que Thanos, coïncidence ? @ Dybex

« Sauf qu’un organisme, par sa présence, détruit les autres »

En face, Thanatos suit les mêmes leçons, sans en tirer les mêmes conclusions. Il comprend que la race humaine a dû quitter la Terre parce qu’elle l’avait détruite et qu’elle lutte désormais pour sa survie. On lui enseigne que l’homme, par sa nature consciente, est capable d’accomplir le plus petit sacrifice sur les formes moins évoluées pour subsister.

Knives étant bien plus évoluée que l’homme, doit-il le supprimer pour sauver la vie sur la nouvelle planète ? Si Rem veut implanter l’être humain sur cette dernière, telle une graine, pour donner à chacun la possibilité d’exister, le garçon juge la graine trop mauvaise pour cet univers pur. Aux émotions de Vash, son frère lui oppose sa logique.

Face à la situation de l’araignée et du papillon, Knives tue l’araignée car si on sauve le papillon, l’araignée mourra de faim de toute manière. On y retrouve en quelque sorte le fameux dilemme moral du tramway : pour sauver cinq personnes, en tuerions-nous une seule ? L’un espère secourir les six, l’autre n’hésite pas. Pour Knives, la pensée de Vash est contradictoire.

Nous sommes deux soeurs jumelles, nées sous le signe des gémeaux @ Dybex

« À partir de maintenant, j’essayerai de suivre ma propre conscience »

Dans cette lutte morale, Knives va tenter de briser le code de Vash en l’obligeant à admettre que la mort est inévitable.

Si au début de Trigun, la morale de Vash semble l’emporter tant il parvient constamment à épargner chaque vie, peu importe de quel côté de la barrière elle se place, l’arrivée des Gung-Oh-Guns (des hommes cruels envoyés par son frère)  n’auront de cesse de lui montrer qu’il ne peut sauver tout le monde. L’impuissance du Dieu de l’Amour face à l’omniprésence du Dieu de la Mort.

Une impuissance qui culminera lors de l’épisode 24, très justement intitulé Sin (Péché), où Legato, le bras droit de Knives, souhaite que Vash le tue. Il va même jusqu’à menacer les amies de Vash pour qu’il n’ait pas le choix. Pour les sauver, il doit renoncer à sa promesse. Vash vient de commettre un meurtre pour la première fois.

A-t-il eu tort ? Oui et non. Car si on suit la pensée de la série, ni Eros ni Thanatos ne sont dans le juste. Tout ça relève finalement de l’existentialisme.  

L’existentialisme est une doctrine qui défend l’idée que tout est subjectif. Ce sont tes choix qui déterminent ton existence et non une volonté supérieure.

Knives est dans l’erreur puisqu’il place sa logique au-dessus du reste. Il est persuadé d’être dans le vrai et ne conçoit pas une autre manière de voir. Vash se trompe également à l’extrême opposé, car en suivant coûte que coûte sa pensée, héritée de Rem, il met en péril l’existence des autres. Face à un Legato en position de juge moral, on lui fait comprendre qu’en refusant d’agir, il cause la mort de son prochain. La mort fait partie de la vie.

Cette opposition d’idées s’incarne en Nicholas D. Wolfwood, personnage au bon cœur, mais capable de tuer dès qu’il estime que c’est nécessaire. En premier lieu, il peut être rapproché de Knives dans sa façon d’appréhender les situations que d’un seul point de vue. Puis, au contact de Vash, il va s’apercevoir que la mort n’est en rien une fatalité. Il va alors faire un choix tout en se demandant jusqu’au bout si c’était le bon.

Trigun met en avant qu’il n’y a pas qu’une façon de penser, aussi altruiste ou cruelle soit-elle, il n’y a que des choix et si on est dans l’erreur, alors “c’est en la corrigeant qu’on s’ouvre un avenir”; dit autrement, c’est en cherchant à faire mieux qu’on fera bien. Lors de l’ultime croisée des chemins, face à Knives vaincu, Vash ne va plus suivre aveuglément sa ligne de conduite. Il va prendre une décision. Et pour la première fois, la sienne.

Eros et Thanatos ont perdu, seul subsiste le libre arbitre.

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