Créateur : Peter Moffat
Produit par : King Size Productions – Moonshot Entertainment
Actrices et acteurs principaux : Bryan Cranston, Hunter Doohan, Hope Davis
Mon oiseau préféré : la pintade casquée
Années de diffusion : 2020-2023
Où la voir : Canal+/Paramount
Synopsis officiel : A l’apogée d’une carrière florissante, un juge voit sa vie basculer le jour où son fils adolescent tue accidentellement et prend la fuite. Un accident dont la victime faisait partie de la pègre.
Tandis que Marie enterre l’idée même de visionner Terminator 2 et qu’Axel passe plus de temps à corriger mes espaces impromptus sous Google drive qu’à faire des vidéos, j’arrive après la bataille et vous propose enfin LA mort à laquelle je ne m’attendais pas dans une série et qui m’a complètement chamboulée : Your Honor.
Oui, c’est officiel, j’ai dû, moi aussi, faire le deuil d’un personnage de série, tant sa fin m’a émue. C’était fortement improbable. D’abord parce que je n’ai pas de cœur, et ça tous mes amis vous le diront. Ensuite, parce que je ne m’attache jamais aux personnages. Mon petit cerveau reptilien doit sans doute fonctionner à plein régime et bien faire la différence entre réalité et fiction (?). Mais avec Your honor, y’a eu exception.
!!! ALERTE SPOILER !!!
Adam Desiato est un gars hyper sensible, un jeune homme craintif aux épaules frêles. Il possède cependant un imaginaire intérieur intense et grave qu’il exprime par le biais de la photographie et une émotivité exacerbée. En ce sens, il me fait penser à beaucoup de gens que je connais, des gens qui parfois se dévalorisent alors qu’ils ont enfoui en eux des mines de richesse et de générosité. C’est peut-être parce que j’aime voir chez l’autre ce que lui-même ne voit pas que j’ai particulièrement aimé le personnage d’Adam.
Je le trouvais un peu trop gnangnan par certains aspects au début, mais, finalement, j’ai compris l’hypersensibilité qu’il y avait en lui et ses réactions. Non seulement sa mort à la fin de la première saison est une énorme surprise mais il y a un réel choc qui s’est fait et a opéré dans ma tête.

Pour te situer ...
Durant les premières minutes de la série, on suit Adam Desiato qui se rend en voiture dans une rue de la ville de la Louisiane. Il s’arrête, descend de la voiture puis rejoint ce qui ne semble n’être qu’un morceau de décor. Au pied du mur bleu ciel défraîchi et incrusté de pubs colorés, Adam s’agenouille et dépose une fleur et une photo. Aujourd’hui est un jour spécial pour lui, celui de l’anniversaire de la mort de sa mère, Robin. Adam n’a cependant pas le temps de se recueillir car il se retrouve rapidement encerclé par de nombreux jeunes. Il a peur. Il a le temps de reprendre la voiture et de démarrer. Dans sa hâte, il cherche son souffle. Il a une crise d’asthme. Cherchant désespérément à mettre la main sur la ventoline, coincée sous le siège passager, il ne voit pas la moto qui arrive. Il fauche Rocco Baxter. Abasourdi par la brutalité et la violence, il tente d’aider Rocco mais celui-ci succombe.
Rideau
Au centre de cette série, pourtant servie par de formidables acteurs et une belle mise en scène, je ne voyais et ne pensais qu’à lui. À Adam Desiato, un gamin qui a vu la mort d’un autre. Un jeune qui, psychologiquement, est mort au moment de l’accident. Car Adam a une sensibilité à fleur de peau et gère plutôt mal le peu de relations qu’il a avec les autres. De ce fait, j’ai subi le désespoir de ce personnage et souffert avec lui.
Dans son malheur cependant, Adam a un père au grand cœur et prêt à tout pour que l’accident de son fils ne soit jamais découvert. La série montre à quel point ce père est déterminé à se travestir et mentir pour protéger son fils. Cet homme est un juge émérite, réputé pour son écoute et sa clémence à l’égard de nombreux accusés. Au tribunal de la Louisiane, il incarne ainsi une justice douce et bienveillante à laquelle on n’est d’ailleurs pas habitué. Aussi, l’histoire de Your Honor est terrible, car elle confronte cette Justice incarnée par Michael Desiato à un dilemme : dénoncer le délit de fuite de son fils ou protéger ce dernier qu’il chérit plus que tout au monde ? C’est terrible pour Adam – et donc ce le fut aussi pour moi – car, à partir du moment où le père se met en tête de sauver à tout prix son fils, celui-ci s’enfonce. Par cet accident, Adam se met à remettre en question ce qu’il est. Il hésite constamment entre avouer une vérité qui le rend fou et se taire au point de mourir intérieurement. Il n’arrive pas non plus à évacuer ce mal qui le ronge lorsque sa professeur – et petite amie – lui explique qu’elle est là pour lui et peut l’aider. Enfin, alors qu’il a l’occasion de s’éloigner du lieu du drame et de la Louisiane en partant pour l’université de New York, il choisit de rester sur place. Adam se punit lui-même à défaut de pouvoir rétablir une justice désormais prise en main par son propre père.
Dès lors, c’est cette double facette de personnage qui m’a intéressée. Adam devient le détail d’une histoire où s’entremêlent des personnages aux pensées sombres et chaotiques, alors qu’il n’aspire qu’à une vraie paix intérieure. Mais Adam est aussi le déclencheur de l’histoire entière. Sans cet accident, son père n’aurait pas eu à accumuler les mensonges et détruire des preuves. Sans Adam, pas de revanches entre clans rivaux et désir de vengeance. Sans Adam, pas de famille décomposée à coup d’explosifs.
Pire (ou mieux, tout dépend de son point de vue), si Adam s’était dénoncé tout de suite, rien de toutes les horreurs commises et/ou subies par les protagonistes de l’histoire n’auraient eu lieu. Cela aurait permis d’épargner les vies de plusieurs innocents, victimes collatérales d’une guerre ouverte et restée pourtant invisible pendant une grande partie de la première saison. Sans Adam, rien ne serait arrivé, si ce n’est le quotidien ronronnant et réconfortant des habitants de la Louisiane.
C’est bien là le nœud du problème, la problématique et le paradoxe de cette histoire. Adam a l’occasion de fuir et échapper à cet engrenage infernal de vengeance désormais bien lancé, mais il ne parvient pas à se détacher de ses actes malgré un père aimant qui se sacrifie pour lui. Il se cherche à l’intérieur de lui-même. Il ne parvient pas à décharger tandis que tristesse et impuissance enragent en lui. Il erre, littéralement, dans les méandres de son esprit désormais confus et coupable. Seule la photographie lui procure encore des moments de relâchement ou de défi face à cette vie décidément insupportable.

Une tragédie moderne
Alors que l’on s’intéresse et que l’on est pris dans l’histoire, les événements s’enchaînent. Jusqu’où un père aimant peut-il aller ? La question se pose pour Adam, mais aussi, pour son « alter ego » si’ on peut dire, Rocco Baxter, le jeune qu’il a renversé par accident. Car Monsieur Baxter Père est une sorte de mafieux notoire qui règne en maître sur la ville et vit de combines financières lui permettant d’assurer un train de vie très aisé à lui et sa famille. Aussi digère-t-il très mal le décès de son fils et cherche à faire payer le coupable par tous les moyens, engageant une véritable chasse à l’homme à travers la ville.
Your Honor fait se confronter des mondes différents de par les grands thèmes que les deux pères de famille incarnent : une justice éclairée et qui se veut égalitaire d’un côté, un désir de vengeance sans limite, et sans pitié surtout, de l’autre. Mais l’entrée en scène des deux fils change la donne.
J’ai chaviré et avec Adam, ressenti une empathie poussée à l’extrême et n’ai pu que réaliser la naïveté et l’étrange candeur encore intacte de ce personnage lorsque celui-ci a finalement fini par trouver un peu de réconfort. Car l’histoire ne s’arrête pas là.
Adam ne parvient pas à se pardonner. Il assiste à la veillée pour la mort de celui qu’il a tué, Rocco Baxter. À cette occasion, il rencontre Sofia Baxter, la sœur de Rocco. Bien qu’il souffre encore, Adam se laisse enchanter par Sofia, et sans doute le regard innocent et nouveau que celle-ci porte sur lui. En sa présence, il retrouve un peu de joie et s’apaise. Une histoire entre ces deux-là se dessine. Et contre toute attente, il s’abandonne enfin à un peu de joie et de bonheur. Alors que leurs pères respectifs sont en guerre, les deux s’aiment et trouvent du réconfort l’un en l’autre. Adam semble alors oublier pendant quelque temps qu’il est le meurtrier du frère de sa bien-aimée ; Sofia se remet doucement du décès de son frère adoré.
Mais dans Your Honor, tout incident en entraîne forcément un autre et déclenche une série de comportements inattendus. Alors qu’il est invité par la famille du jeune homme qu’il a tué, Adam ne réalise toujours pas qu’il reste au centre d’une terrible histoire de vengeance débutée par son propre père. L’innocence et l’espoir d’Adam l’ont exposé. Le juge Desiato, à vouloir faire justice lui-même en protégeant son fils, a fini par le tuer.
J’ai aimé et pleuré le personnage de Adam, à la fois magnifique et candide, cet esprit torturé et éclairé, cet être à la perception émotionnelle intense. Au-delà d’une question d’injustice, Adam montre toute l’intelligence et la beauté de l’esprit humain. À vouloir se punir soi-même et être si doux dans un monde si dur, on finit cependant toujours par perdre.